
Ce rapport propose une analyse complète de l’impact des technologies numériques sur le travail et les professions en Europe, réévaluant de manière critique les discours dominants sur le chômage de masse et la polarisation de l’emploi. Il synthétise les travaux menés par l’équipe Emploi du CCR ces dernières années. S’appuyant sur un large éventail de recherches empiriques, il présente un cadre analytique distinguant trois principaux vecteurs de changement : l’automatisation (le remplacement du travail par des machines) ; la numérisation (l’utilisation croissante d’outils numériques dans les processus de travail) ; et la plateformisation (l’utilisation de plateformes numériques pour coordonner le travail). Contrairement aux craintes répandues, nos recherches révèlent que l’impact de l’automatisation, notamment des robots industriels, sur les niveaux nets d’emploi au cours des dernières décennies a été modeste et souvent positif. Si l’automatisation de certaines tâches a principalement stimulé la productivité et entraîné une réaffectation du travail plutôt qu’une destruction nette d’emplois. La transformation la plus profonde provient de la numérisation. Ce processus, tout en améliorant l’efficacité, a fondamentalement transformé l’organisation du travail en permettant des niveaux sans précédent de standardisation, de suivi et de contrôle managérial. Cela crée un paradoxe fondamental : tandis que l’emploi s’éloigne des métiers routiniers, les processus de travail au sein de nombreux rôles professionnels non routiniers deviennent de plus en plus routiniers et soumis au contrôle numérique, ce qui impacte l’autonomie des travailleurs et la qualité de l’emploi. Enfin, le rapport identifie la montée de la plateformisation, non seulement dans l’économie des petits boulots, mais comme une logique de gestion et de surveillance algorithmiques s’étendant aux lieux de travail traditionnels. Cette tendance remodèle la nature du contrôle sur le lieu de travail dans l’ensemble de l’économie. L’analyse des structures professionnelles révèle que la revalorisation des emplois, plutôt que leur polarisation, a été le modèle de changement le plus courant dans l’UE, principalement porté par la croissance des emplois hautement qualifiés dans le secteur des services. Le rapport conclut que le principal impact de l’ère numérique sur le travail est une transformation qualitative de sa nature, axée sur la coordination, le contrôle et la qualité de l’emploi. Les effets de la technologie ne sont pas déterministes ; ils sont fortement influencés par les cadres institutionnels, la réglementation et la négociation collective jouant un rôle crucial dans la définition des conditions de travail des travailleurs à l’ère numérique.
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