À Bechloul, une ville de la région de la Kabylie en Algérie, où les oliviers oscillent au gré du vent, Dahbia Abbas et sa sœur dirigent une entreprise prospère baptisée Issoula. Elles ont bénéficié du soutien de l’Union européenne par l’intermédiaire du PASA (programme d’appui au secteur de l’agriculture, y compris en matière de gestion de l’eau, d’agro-industrie et de pollution agricole), propulsant ainsi leur activité vers de nouveaux sommets.
De la croisée des chemins aux oliveraies : un rêve d’enfance
Dahbia a étudié la gestion d’entreprise et s’est retrouvée à la croisée des chemins après avoir travaillé un temps pour une entreprise une fois son diplôme en poche. Le monde de l’entreprise lui paraissait restreint et elle aspirait à quelque chose de plus. « Je n’étais pas à ma place. Je sentais que j’avais besoin de me trouver moi-même », explique Dahbia en se remémorant le début de sa carrière.
En 2011, un vent de changement s’est mis à souffler sur le monde de l’entreprise en Algérie, permettant aux entrepreneurs en herbe de se lancer plus facilement. Dahbia a décidé de s’affranchir du cadre de bureau traditionnel. Ayant pour seules ressources son diplôme et une vision, elle s’est lancée dans l’entrepreneuriat, déterminée à ne plus jamais travailler pour qui que ce soit.
Originaire d’une région riche en oliviers, Dahbia a puisé son inspiration dans ses racines. Elle s’est souvenue de la fascination qu’exerçait sur elle le pressoir à olives de ses cousins dans son enfance. « Je ne m’en rendais pas compte à ce moment-là, mais d’une certaine manière, j’étais en train de réaliser un rêve d’enfance. »
C’est ainsi qu’a débuté en 2011 l’histoire d’Issoula, un mot berbère pour désigner une personne qui brise les tabous. « Lorsque je lui ai parlé de mon idée, mon père, aujourd’hui décédé, m’a tout de suite dit que l’entreprise devait s’appeler Issoula », confie-t-elle.
Dahbia a commencé son activité modestement en achetant ses premières machines pour presser les olives d’oléiculteurs, sans les acheter, son objectif étant simplement d’être rémunérée pour ses services de pressage. La première année, elle n’a pas réalisé de bénéfices, mais elle avait ainsi posé les fondements pour construire quelque chose de plus grand. « Je n’ai pas pu dégager de bénéfices, mais, au moins, j’avais mes machines et mes idées ! », déclare-t-elle.
Au fil des ans, Issoula s’est forgée une réputation pour sa propreté, son respect des délais et la qualité de son travail. L’entreprise a évolué, mais Dahbia avait toujours des difficultés liées principalement au caractère saisonnier de la production d’huile d’olive et aux contraintes financières.
Une illumination à la salle de sport : l’histoire d’une innovation artisanale
Le tournant décisif a eu lieu lors d’une conversation décontractée à la salle de sport qui a été pour Dahbia une véritable illumination. Ce jour-là, une personne fréquentant sa salle de sport lui a suggéré de fabriquer du savon à partir des sous-produits issus de l’extraction d’huile d’olive. Cette illumination a marqué la naissance d’un nouveau chapitre pour Issoula.
Dahbia et sa sœur Nouara se sont lancées dans la fabrication de savon en suivant des formations en France et en Tunisie. Pour accompagner cette croissance, elles ont embauché du personnel, créant ainsi des emplois pour des femmes algériennes vivant en milieu rural.
S’inspirant d’un art ancestral ancré dans la tradition méditerranéenne, Dahbia et sa sœur Nouara ont commencé à fabriquer des savons à base d’huile d’olive. Ce métier transmis de génération en génération par les femmes a ainsi été relancé au cœur de l’Algérie. Dahbia et Nouara ont non seulement fait revivre un procédé traditionnel, mais l’ont également amélioré, mêlant harmonieusement patrimoine et innovation.
« Ce n’est plus comme en 2011 lorsque le pressoir à olives fonctionnait deux mois par an. Maintenant, nous avons un pressoir et une fabrique de savons, et Issoula est une marque déposée. Les choses semblent faciles quand j’en parle, mais il a fallu des années de travail acharné pour en arriver là », précise Dahbia.
Issoula, qui n’était à l’origine qu’un petit pressoir à olives, est désormais une entreprise renommée proposant 21 produits allant des savons aux crèmes en passant par les bougies parfumées. L’engagement des deux sœurs à proposer des produits de qualité dans des emballages esthétiques tout en appliquant des pratiques durables leur a permis d’être reconnues. Elles ont même remporté un prix pour la valorisation des déchets grâce à des sous-produits de l’huile d’olive et des feuilles d’olivier transformés en pots-pourris.
« Issoula n’est pas seulement l’histoire d’une entreprise, c’est aussi la mienne », affirme Dahbia.
Le rôle essentiel du PASA : soutenir la croissance et la résilience
Dahbia Abbas a trouvé du soutien auprès du « programme d’appui au secteur de l’agriculture, y compris en matière de gestion de l’eau, d’agro-industrie et de pollution agricole » (PASA). Le programme vise principalement à développer la chaîne de valeur agricole pour dynamiser l’économie locale, la gouvernance territoriale et la coordination nationale. Il cible les petits exploitants, en particulier ceux qui sont regroupés en associations et en coopératives, les très petites entreprises (TPE) ainsi que les petites et moyennes entreprises (PME) et met l’accent sur l’autonomisation des jeunes et des femmes.
La qualité des produits Issoula a pu être améliorée de façon considérable lorsque le PASA a financé des machines de pointe pour la mise en bouteilles de l’huile d’olive. « La mise en bouteilles à la main était très lente. Et nous ne pouvions pas nous diversifier en proposant des bouteilles élégantes, car il nous fallait des machines. Le soutien apporté par le PASA a tout changé », reconnaît Dahbia.
Grâce à l’acquisition des nouvelles machines, le processus de production est devenu plus efficace et Issoula a enfin pu utiliser des bouteilles plus sophistiquées, lui permettant ainsi d’améliorer la qualité globale et l’esthétique des produits.
Le programme a également eu des effets dans la vie de Dahbia sur le plan personnel. Dans une période difficile, ce soutien est devenu pour elle plus qu’une aide financière ; il a été une véritable bouée de sauvetage. Dahbia explique que la réponse positive du PASA a été un catalyseur pour une foi et une détermination renouvelées. « Cela nous a poussés et nous a motivés à faire de notre mieux pour développer le projet », souligne-t-elle.
Elle conclut en insistant sur le pouvoir transformateur du renforcement positif ainsi que sur les profondes répercussions du PASA. « Même si une seule personne vous dit quelque chose de positif, c’est déjà un coup de pouce ; sans parler du PASA, un grand projet qui a étudié notre entreprise puis nous a dit que l’on méritait d’être soutenus ».
Le PASA n’a pas seulement investi dans les machines d’Issoula, mais a également semé les graines de l’inspiration et de la résilience, favorisant ainsi un esprit d’entreprise qui a dépassé le cadre d’une fabrique pour aller au plus profond du parcours entrepreneurial de Dahbia. Comme elle le souligne, « le PASA est un encouragement pour ceux qui aspirent à réussir ».