Nul n’a le droit d’user de son autorité pour violenter une femme. Pourtant, en Algérie comme dans de nombreux pays ailleurs, les femmes subissent quotidiennement la violence et le harcèlement aussi bien dans l’espace public que privé et professionnel. Le collectif Fahlat a décidé de former les femmes aux techniques d’autodéfense féministe afin qu’elles acquièrent les capacités mentales et physiques pour se protéger des agressions.
Dans la rue, au travail ou même à la maison, la violence est le quotidien de très nombreuses Algériennes. Pourtant, des lois existent, censées protéger les femmes de toute forme d’agression ou de harcèlement. Ainsi, un amendement du Code pénal punit de deux à six mois tout individu agressant verbalement ou physiquement une femme dans un lieu public. Sauf que l’application de cette disposition s’avère très complexe puisque les victimes sont tenues de présenter des preuves lors du dépôt de plainte et devant la justice. Face à cette situation, des militantes féministes ont décidé de réagir en proposant une solution pratique et efficace : l’autodéfense féministe. Au terme de trois sessions organisées en 2019, huit femmes ont appris à faire face à différents types d’agressions et à transmettre ces connaissances. Elles sont aujourd’hui réunies au sein de Fahlat (courageuses, vaillantes en dialecte local), le premier collectif algérien d’autodéfense féministe.
Croire en soi pour pouvoir se protéger
Membre de ce collectif, Asma Seniani, 27 ans, coach de pilates et de Yoga traditionnel, assure que l’autodéfense féministe n’est pas une technique qui se base uniquement sur les capacités physiques. Elle explique : « Je suis ceinture noire de karaté et j’ai fait plusieurs années de compétition, mais je dois dire que ce n’est pas l’aspect physique qui est important dans l’autodéfense féministe. C’est avant tout le mental qui entre en jeu à travers les notions de confiance en soi et d’écoute de son intuition. Il faut ensuite adapter sa réaction à la situation et au profil de l’agresseur. Cela nécessite souvent une action d’autodéfense verbale, le contact physique intervient en ultime recours ». Pour Asma, l’objectif d’une telle formation est de provoquer “une prise de conscience des femmes sur leur droit, leur liberté et leur sécurité”. En effet, si une femme ne se défend pas ou peu face à une violence perpétrée par un inconnu, un supérieur hiérarchique ou encore un membre de sa famille, ce n’est pas parce qu’elle en est incapable, mais parce qu’elle ne sait pas qu’elle en est capable. D’où l’importance que revêt cette formation en Algérie.
Apprendre à dire non
Saadia Gacem, 39 ans, doctorante en sociologie du droit et militante féministe est également membre de Fahlat. Elle précise que cette formation consiste à déconstruire cette image des femmes fragiles qui ne peuvent pas se défendre. « La société construit et éduque les femmes pour qu’elles soient douces, fragiles et passives. Nous essayons de déconstruire cela. La base du stage est que « j’ai le droit de me défendre et ce n’est pas de ma faute si je suis agressée ! » Dans ce stage, nous leur apprenons à dire non par les mots mais aussi par les gestes. Nous apprenons également à poser les limites dès le départ pour ne pas que la situation s’aggrave et empire », affirme-t-elle. Saadia assure que toutes les femmes peuvent suivre la formation d’autodéfense féministe et ce, “quel que soit leur âge et leur condition physique“. Si pour les adultes cette formation est réservée exclusivement aux femmes, celle dédiée aux enfants est mixte. « C’est un autre programme que nous aimerions intégrer aux activités de Fahlat. Il permet d’apprendre aux jeunes filles à se défendre et aux jeunes garçons à ne pas être violents. Toujours dans la déconstruction des stéréotypes des sexes », révèle Saadia. Les membres du collectif ont-elles eu l’occasion d’utiliser les techniques d’autodéfense féministe ? « A deux reprises ! », affirme Asma fièrement. Elle ajoute : « C’était dans la rue et je dois dire que mes acquis lors de la formation m’ont été très utiles car j’ai pu me protéger et décourager les agresseurs. »
Haoua, pour la promotion des droits des femmes
Le projet Haoua “Alliances et Sororité des défenseures des droits des femmes pour la défense et la promotion des droits des femmes au Mali et en Algérie“, financé par l’Union européenne, s’inscrit dans la promotion et la protection des droits humains, en particulier la défense des droits des femmes. Il se base sur une approche participative de collaboration Sud-Sud ainsi que sur la mise en réseau de différents acteurs/actrices pour permettre la diffusion de la défense des droits des femmes et de leur protection. Le projet vise à appuyer la protection des militant.e.s et des organisations travaillant pour la défense des droits des femmes en Algérie et au Mali et ce, notamment, en augmentant les connaissances, les compétences des défenseur.e.s et en développant l’adhésion de nouveaux acteurs/actrices pour les droits des femmes au sein de la société civile.
25 novembre : Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes
La violence à l’égard des femmes constitue une grave violation des droits de l’homme et pourtant elle continue à être très répandue à travers le monde. La perception que le fait d’harceler une femme ou de faire preuve de violence à son égard est normal et acceptable est fausse et doit changer. La violence à l’égard des femmes existe partout : dans les foyers, au travail, dans les écoles et universités, dans la rue, dans les transports publics et en ligne. Toutes les femmes peuvent y être confrontées et cela a un impact sur leur bien-être en général et les empêche de participer pleinement à la société. Dans le monde, environ 12 millions de filles âgées de moins de 18 ans sont mariées chaque année – une toutes les deux secondes. Au moins 200 millions de femmes et de filles ont à ce jour subi des mutilations génitales féminines, qui sont encore pratiquées dans environ 30 pays. Les femmes dans les migrations sont particulièrement vulnérables et plus exposées aux abus et à la violence. L’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles est au cœur du programme de développement durable à l’horizon 2030. Elle constitue un premier pas vers une paix et une sécurité mondiale, un préalable à la promotion, à la protection et au respect des droits humains, à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la démocratie et à la croissance économique. A travers des actions concrètes, l’Union européenne se mobilise pour faire en sorte que la violence à l’égard des filles et des femmes cesse à jamais.