De nouveaux horizons pour le secteur de la santé en Libye

Août 9, 2017
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Les six années de conflit armé et d’instabilité politique ont eu des répercussions dans quasiment toutes les régions de la Libye et fait des milliers de victimes et de blessés. Au-delà de ces victimes immédiates, l’insécurité et les violences persistantes ont perturbé l’accès aux services publics et ont eu un impact dramatique sur les établissements publics de santé.

Selon le Plan d’intervention 2017 pour la Libye, élaboré par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), environ 1,3 million de personnes ont un accès limité aux services et ressources liés aux soins de santé. Sur les 98 hôpitaux évalués par l’OMS, 43 sont partiellement fonctionnels ou ont cessé de fonctionner en raison d’une grave pénurie de médicaments vitaux, de fournitures médicales, de matériel médical et de ressources humaines. Ces pénuries sont plus prononcées au niveau des soins de santé primaires, selon l’OMS : « De ce fait, les hôpitaux référents et tertiaires sont surchargés de patients atteints de pathologies courantes et sont incapables de répondre à la demande ».  

C’est le défi que l’UE tente de relever en soutenant la Libye dans ses efforts visant à améliorer l’efficience, l’efficacité et la qualité des prestations de soins de santé dans tout le pays à travers une série de programmes représentant près de 15 millions d’euros. 

Ces programmes ont été au centre des débats menés à Tunis les 5 et 6 avril derniers à l’occasion d’une rencontre entre représentants de la Libye et de l’UE pour discuter de l’amélioration des soins de santé primaires, des soins de santé maternelle et infantile, des services de soutien psychologique, des soins de santé mentale et de la gestion des maladies non transmissibles. 

Médecins, spécialistes et étudiants en médecine ont eu la possibilité d’exprimer leur opinion et de discuter de leur vision à travers des présentations sur les défis et les solutions proposées pour améliorer les prestations de santé en Libye.  

Soins de santé primaires, santé maternelle et néonatale 

Salem Shenisheh, l’un des jeunes médecins ayant participé à cette réunion, prépare actuellement son doctorat et fait partie des bénéficiaires d’un programme de réforme du secteur de la santé élaboré par l’UE, en particulier d’un projet étalé sur quatre ans visant à renforcer la planification stratégique, le financement et la gestion des prestations de services de santé, ainsi que les ressources humaines, via des réformes ciblées. 

« Ce projet nous aidera à améliorer nos performances quotidiennes en tant que médecins et à approfondir nos connaissances, ce qui sera profitable pour l’ensemble de la société », a souligné le Dr Shenisheh. 

Salem Shenisheh a fait part de son enthousiasme par rapport à ce projet, expliquant que cela lui a donné l’opportunité, en tant que médecin et étudiant, de participer à l’amélioration des performances du secteur de la santé. En mettant en relation différents bénéficiaires et le ministère de la Santé, le projet est en mesure de fixer des priorités et de définir des plans qui seront mis en œuvre dans un avenir proche pour que les services de santé puissent être accessibles à tous les citoyens libyens. 

De nombreuses vies humaines pourraient être sauvées en améliorant la qualité des soins maternels et néonatals et la qualité des services grâce à une formation de formateurs, comme l’a expliqué le Dr Suhair Bek Derna, présidente du Groupe de travail sur la santé maternelle du ministère de la Santé. Le Dr. Muneera Aldughri, en charge des questions liées à la santé maternelle et infantile au sein de la Direction générale des soins de santé primaires, a par ailleurs ajouté que le fait de se concentrer sur la santé des mères et des enfants permettrait de limiter le nombre de décès et d’améliorer les soins dans tous les autres secteurs de la santé. « Nous pourrons fournir des médicaments et des produits de santé dans les centres de santé primaires et améliorer la qualité des services fournis par les médecins et les infirmières grâce à la formation et au renforcement des capacités, afin d’offrir des services de meilleure qualité aux Libyens », a-t-elle déclaré.  

Un autre projet actuellement mis en œuvre par l’OMS concerne le renforcement du Système d’information sanitaire et l’amélioration de la gestion de la chaîne d’approvisionnement en médicaments. Il vise à maintenir des services de santé de haute qualité en Libye. À travers ce projet, l’Union européenne réhabilitera les entrepôts de stockage de médicaments dans l’ensemble du pays afin que les praticiens et les patients puissent accéder rapidement aux traitements, selon Bettina Muscheidt, chef de la délégation de l’UE en Libye. 

Services de soutien psychologique et santé mentale  

En ce qui concerne les services de soutien psychologique et la santé mentale, Khaled Hamidi, directeur général de l’ONG Équipe de soutien psychologique, a expliqué pour sa part qu’il était important d’accorder plus d’attention à ces questions, estimant que l’augmentation des conflits armés en Libye a porté atteinte à la santé psychologique des Libyens. 

En 2011, il n’y avait que 12 psychiatres dans toute la Libye, selon M. Hamidi, et ce à un moment où la population était confrontée à une flambée de violence, ce qui a mené à une forte augmentation des cas de dépression, de troubles de stress post-traumatiques et de traumatismes. En fait, ce secteur fait face à une grave pénurie de structures sanitaires, de médicaments et de ressources humaines. Environ un pour cent, voire moins, des dépenses totales de santé sont consacrées à ce secteur. Par conséquent, il est nécessaire d’agir et d’adopter une approche multisectorielle de la santé mentale et du soutien psychosocial en Libye, selon le Dr Amjad Shagroni, point focal pour les questions de santé mentale au Centre national de contrôle des maladies. 

L’UE a un rôle crucial à jouer dans la préservation de la santé mentale et du bien-être pour que ces difficultés puissent être surmontées. « Le conflit a engendré des traumatismes », a indiqué Bettina Muscheidt. « Et la seule manière de les traiter est d’améliorer les services liés aux soins de santé mentale et aux soins psychosociaux ». 

Gestion des maladies non transmissibles 

S’agissant des maladies non transmissibles, le cancer est la troisième cause de décès en Libye. En 2016, 6 000 cas ont été diagnostiqués, selon le Dr Ismail Siala. Deux facteurs jouent un rôle majeur dans le nombre important de décès dus au cancer, à savoir le diagnostic tardif et les changements de mode de vie liés à une activité physique limitée et à la prise de poids. La solution à ce problème réside dans le dépistage et le diagnostic précoces, l’efficacité des traitements, le respect des normes et des protocoles et la disponibilité des médicaments anticancéreux. Par ailleurs, près de 45 % des décès en Libye sont liés à des maladies cardiovasculaires. Par conséquent, l’amélioration des services de santé pourrait permettre de rehausser la qualité de vie des citoyens. 

En ce qui concerne le soutien de l’UE et les projets en cours, l’objectif global est d’améliorer l’efficience, l’efficacité et la qualité des prestations de services de santé en Libye. 

« En tant qu’Union européenne nous veillerons à ce qu’il n’y ait pas d’intervention sanitaire en dehors des mécanismes de coordination dirigés par le ministère de la Santé en Libye. Au niveau de la coprésidence du Comité sectoriel de la santé, nous continuerons à renforcer la coordination et à mener, avec nos homologues libyens, un dialogue constructif créant des synergies entre les différentes plates-formes de coordination mises en place en Tunisie et en Libye ». 

 

Texte de Racha Haffar 

Photos de Mohamed Messara

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Développement durable