« Il est important de reconnaître ses faiblesses et d’y travailler, plutôt que de s’avouer vaincue. » Hiba Rajha connaît mieux que quiconque cette réalité. Après avoir décroché une licence en biologie et biochimie, un master en génétique et protéomique, puis un doctorat en génie des procédés, elle s’est retrouvée face à un mur. « Avec toutes ces études, j’étais censée être une scientifique accomplie, mais j’ai réalisé que je ne connaissais rien suffisamment bien pour être une spécialiste. Je me sentais incomplète. »

« C’était très difficile à admettre, surtout après plus de huit ans d’études. » Pourtant, la jeune Libanaise a décidé de retourner à l’université pour suivre cinq années d’études supplémentaires et se spécialiser en génie des procédés. « Cela m’a permis de parvenir au point où je pouvais réellement m’épanouir dans le domaine que je voulais : l’enseignement. »

Émanciper les femmes : un métier à part entière

Enseignante et chercheuse à la faculté d’ingénierie de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, Hiba est devenue un mentor pour toutes ses étudiantes, qu’elle pousse à persévérer malgré l’adversité. « Ce dont je suis le plus fière ne figure pas dans mon CV : ma contribution à l’émancipation des femmes. À travers mon propre exemple, je veux les encourager à agir et à croire qu’elles peuvent, elles aussi, occuper des postes importants. »

En février 2022, Hiba a prouvé une fois de plus que la persévérance est la clé de tout en remportant le prestigieux prix Jeunes Talents L’Oréal-Unesco pour les Femmes et la Science. « Être une femme est l’une des choses les plus difficiles au monde. De nombreux obstacles peuvent se dresser devant vous, surtout si vous n’avez pas la chance d’être soutenue comme je l’ai été, aussi bien par ma famille que par mes pairs masculins. »

« En tant que femme évoluant dans le milieu scientifique, il vous faudra peut-être travailler deux fois plus, devenir plus forte ou demander de l’aide. Mais avec le bon état d’esprit et le soutien nécessaire, vous pouvez toutes réussir dans n’importe quel domaine. Et n’oubliez pas : la peur fait partie du processus ! »

Hiba s’est donné pour mission de motiver d’autres femmes, notamment ses étudiantes à l’université. « Je leur demande de s’imaginer à des postes de responsabilité impliquant des prises de décisions dans le monde de la recherche, où les gens n’ont pas l’habitude de voir des femmes. » Selon Hiba, le fait de prendre ses propres décisions est encore plus important que de prouver sa valeur en tant que femme. « La science est ma passion, mais personne ne devrait jamais se dire que je suis soit une scientifique, soit une ratée. Être soi-même et faire ce qui contribue à votre équilibre mental, physique et émotionnel, voilà ce à vous devez aspirer. »

Travaillez pour la communauté dont vous faites partie

Fondatrice de sa propre ONG, Hiba a également été poussée par sa générosité à créer une start-up dans le domaine du conseil : « Ce sera pour moi un autre moyen d’aider mes consœurs scientifiques à accéder à des opportunités et des emplois et à progresser dans leur domaine », explique-t-elle. Pour cette activité, Hiba s’inspirera de son travail avec le projet BESTMEDGRAPE, financé par l’UE, dans le cadre duquel elle encourage l’utilisation de déchets végétaux dans des applications cosmétiques et pharmaceutiques. « Je me soucie autant de l’émancipation des femmes que de la préservation de l’environnement. Réduire, réutiliser et recycler devrait être une devise adoptée par beaucoup plus de personnes. »

Comment trouve-t-elle du temps pour elle dans toutes ces activités ? « C’est une frénésie que je ne peux pas contrôler ! », dit-elle en riant. « Je me sens incomplète si je n’agis pas, surtout au sein de ma communauté. »