Mehdi Cherif est le fondateur de Fahmologia, une initiative menée par des jeunes dans le domaine de la communication scientifique en Tunisie qui a bénéficié du soutien du projet Safir financé par l’UE. Avec Fahmologia, Mehdi et son équipe d’étudiants comblent le fossé entre les connaissances scientifiques et le grand public, encourageant ainsi la culture et la curiosité scientifiques.
Le visage de Mehdi Cherif s’illumine lorsqu’il explique ce qui lui a inspiré son initiative, Fahmologia. Étudiant en master de sociologie, il est également le fondateur et l’actuel coordinateur national de Fahmologia, qui vise à faciliter l’accès des Tunisiens à la production intellectuelle et scientifique (livres, conférences, etc.) ainsi qu’à promouvoir et à renforcer cette production. « Un travail à plein temps ! », plaisante-t-il.
L’histoire d’une inspiration
Mehdi a lancé Fahmologia il y a trois ans lorsqu’il était en licence de sociologie à la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis. Créée au départ en tant que club dans son université, l’initiative a désormais une dimension nationale et regroupe 6 clubs. « Il y avait un besoin et une demande en matière de communication scientifique qui n’étaient pas satisfaits », déclare Mehdi.
Lancée en 2020, Fahmologia a émergé à un moment critique lorsque la prolifération de fausses informations, la désinformation et la communication scientifique inadéquate concernant les vaccins contre la COVID-19 ont pris de l’ampleur. Ce contexte a mis en lumière la nécessité urgente d’une communication scientifique efficace, notamment en mettant à la disposition du grand public des informations accessibles, pertinentes et facilement compréhensibles.
Pour créer Fahmologia, Mehdi s’est également inspiré des bureaux de communication scientifique des universités américaines. Ces bureaux, qui allient la science à la communication moderne, diffusent des messages scientifiques auprès de publics divers, notamment les jeunes. Conscient de l’absence de telles initiatives en Tunisie, Mehdi a décidé de créer des clubs d’étudiants pour assumer les responsabilités de bureaux de communication scientifique. Le principal objectif était de communiquer des informations via les plates-formes de médias sociaux.
Création de contenus et transformation des jeunes en éducateurs scientifiques
Les principales activités de Fahmologia consistent à former des jeunes à la création de contenus et à leur donner accès à des studios et du matériel de tournage professionnels. Le financement accordé par l’UE par l’intermédiaire du projet Safir a permis à l’initiative d’améliorer ce volet. Ayant pu embaucher des formateurs et des professeurs, Fahmologia a offert une formation professionnelle aux étudiants. En outre, le financement de Safir lui a permis d’acquérir des équipements essentiels et de louer un studio d’enregistrement, ce qui a considérablement amélioré la qualité des contenus produits.
Dans le cadre de Fahmologia, les jeunes jouent le rôle d’éducateurs et partagent leurs connaissances. Il s’agit non seulement de partager ce qu’ils ont appris, mais également de recevoir des chercheurs – souvent des étudiants en master ou en doctorat – et parfois des professeurs spécialisés dans divers domaines. Mehdi donne un exemple : « Les étudiants de l’Institut National Agronomique, qui aspirent à devenir ingénieurs agronomes, apportent de précieuses connaissances sur l’agriculture, notamment sur des sujets tels que la culture durable du blé et les solutions potentielles aux pénuries de lait. »
L’une de ces étudiantes à l’Institut National Agronomique, Mariem Askri, déclare : « Même si cette année a été difficile sur le plan académique, j’ai décidé de consacrer une grande partie de mon temps à Fahmologia en raison de son caractère si innovant et parce qu’il n’y a pas d’initiatives de ce type dans mon domaine. Je suis très reconnaissante d’avoir eu la possibilité de participer à cette initiative, de bénéficier d’une formation et de rencontrer des personnes aussi intéressantes. »
Au-delà de la simple communication : formation de futurs leaders et construction d’un écosystème
Fahmologia n’est pas seulement une plate-forme de communication ; il s’agit, selon Mehdi, d’un « réseau visant à former de futurs leaders et intellectuels publics », un aspect essentiel de toute nation prospère. Mehdi envisage en effet un modèle qui favorise la croissance et le progrès au sein des clubs universitaires. Au départ, les membres rejoignent le réseau, suivent une formation, puis participent à la création de contenus. Mehdi souhaite néanmoins organiser des élections internes à l’avenir pour permettre aux étudiants d’occuper des fonctions de direction au sein des clubs, tant au niveau de l’université qu’au niveau national. Il souhaite voir des personnes ayant rejoint l’initiative en tant qu’étudiants de première année devenir coordinateurs nationaux, poste qu’il occupe actuellement. Mehdi estime que cette approche garantit la pérennité de l’initiative. « Mon objectif est de me rendre obsolète, c’est-à-dire que je ne sois plus indispensable à la bonne marche de Fahmologia », déclare-t-il.
Fahmologia joue également le rôle de « constructeur d’un écosystème » dans le monde de la recherche scientifique en Tunisie. L’initiative entend en effet établir un écosystème qui facilite les échanges entre les chercheurs, favorisant ainsi la création de liens et la diffusion rapide d’informations sur les nouvelles recherches. Fahmologia vise par conséquent à encourager la collaboration entre les chercheurs ayant des intérêts communs et, en définitive, à faire progresser les connaissances scientifiques dans le pays. « Notre objectif est de soutenir l’écosystème de la recherche en Tunisie pour favoriser les synergies entre les chercheurs, les journalistes, les responsables politiques et les acteurs de la société civile », explique Mehdi.
Un fort sentiment d’appartenance s’est déjà développé parmi les membres des clubs universitaires au sein de Fahmologia. Le terme « fahmologiste », qui n’était au départ qu’un surnom fantaisiste utilisé en plaisantant par les membres pour se désigner les uns les autres, est désormais largement repris par les membres sur leurs réseaux sociaux. « Fahmologia est avant tout une grande famille. Ce ne sont pas des relations de travail, ce sont des amis ; c’est une famille, un grand rêve que nous avons tous ensemble et que nous réalisons petit à petit », explique Wejden Benzid, responsable du club Fahmologia à la Faculté des sciences judiciaires, politiques et sociales de Tunis.
Un avenir prometteur et durable grâce au projet Safir
Mehdi et Fahmologia ont de beaux jours devant eux. Le jeune homme souhaite étendre l’initiative à tout le pays et au-delà : « Je pense que nous avons prouvé que Fahmologia est une alternative rentable aux bureaux de communication scientifique. Alors pourquoi ne pas la reproduire dans d’autres pays en développement ? »
Mehdi planifie également l’évolution de Fahmologia vers la pérennité et l’autonomie complète en tant qu’organisation à but non lucratif. Le financement reçu du projet Safir a entraîné des changements positifs puisque Fahmologia a pu louer un studio d’enregistrement, acquérir le matériel nécessaire et recruter trois salariés. « Safir m’a également aidé à renforcer mes compétences en matière de gestion grâce à la formation que j’ai reçue », ajoute Mehdi.
Le soutien de l’UE a considérablement amélioré la qualité des contenus de Fahmologia. Dans le cadre de son plan de viabilité, Fahmologia étudie actuellement la possibilité de louer le studio à des créateurs de contenus, dont certains sont d’anciens « fahmologistes ». L’objectif est de générer des revenus qui pourront être utilisés pour la poursuite des activités et l’expansion de l’initiative. Cette démarche stratégique favorise non seulement l’autosuffisance, mais fournit également aux anciens « fahmologistes » et à d’autres créateurs une plate-forme pour produire leurs propres contenus.
Le projet
Safir est un projet financé par l’UE axé sur la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) et la promotion de l’inclusion socio-économique des jeunes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. En fournissant des ressources et des financements, le projet permet aux jeunes de contribuer activement aux ODD et de devenir des acteurs du changement. Safir propose des formations et offre des possibilités de plaidoyer, de travail en réseau et de participation aux processus de prise de décision par l’intermédiaire d’ateliers d’initiation et d’accompagnement, d’incubateurs locaux et d’organisations de la société civile. Le projet soutient 20 organisations de la société civile, a créé 18 espaces innovants dans des établissements d’enseignement supérieur et des instituts de recherche, a mis en relation 7 incubateurs locaux et a accompagné 1 000 jeunes porteurs de projets originaires de 9 pays de la région.