Jeunes, audacieux et bâtisseurs: La révolution des startups en Libye

Septembre 1, 2025
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Dans un pays davantage connu pour ses turbulences politiques que pour ses startups, la jeunesse libyenne trouve de nouvelles façons de construire son avenir — une entreprise innovante à la fois. Au cœur de cette transformation se trouve Libya StartUp!, une initiative financée par l’Union européenne et mise en œuvre par Spark et Super Novae. Le projet donne aux nouvelles générations d’entrepreneurs les outils, la formation et l’accompagnement nécessaires pour concrétiser leurs visions. Eslam Mohammed Shakreen, 24 ans, utilise l’intelligence artificielle pour détecter les fuites de pétrole depuis l’espace, tandis que Rawan Abu Aeshah, également âgée de 24 ans, redonne vie à de vieux moteurs de voitures en les transformant en véhicules écologiques. Grâce au soutien de Libya StartUp!, leurs idées audacieuses sont devenues réalité, prouvant que la plus grande ressource de la Libye pourrait bien être son peuple.

L’IA venue du ciel

Eslam Mohammed Shakreen ne voit pas seulement des données — il voit des solutions. À 24 ans, ce jeune diplômé en informatique est le PDG de HyperVizion, une startup technologique qui utilise l’intelligence artificielle (IA) et l’imagerie satellitaire pour détecter les fuites de pétrole dans l’immense infrastructure pétrolière de la Libye.

Son idée a pris forme lors d’un concours de codage mais s’est réellement concrétisée après un sommet technologique auquel il a participé en Tunisie avec ses futurs partenaires. « Nous avons appris qu’en 2022 seulement, la Libye avait perdu environ 3 milliards de dollars à cause de fuites de pétrole ! » se souvient Eslam. Motivé par d’autres entrepreneurs utilisant des technologies de pointe pour protéger l’environnement et réduire les pertes, il s’est dit : « Pourquoi ne pas faire de même, et utiliser l’IA pour résoudre notre problème ? »

HyperVizion est une solution alimentée par l’IA qui analyse des images satellites haute résolution afin de détecter les fuites de pétrole ou d’autres types de déversements liés aux hydrocarbures. Elle fournit ensuite aux entreprises des tableaux de bord en temps réel pour leur permettre d’agir rapidement et de réduire à la fois les pertes financières et les dégâts environnementaux. « C’est rapide, précis et évolutif, » explique Eslam. « Et cela offre une détection bien plus fiable que les méthodes traditionnelles ! »

Mais, comme pour toute startup en Libye, les défis étaient nombreux. Eslam et son équipe avaient besoin de crédibilité, de visibilité et de conseils pour concrétiser leur idée. « C’est ce que Super Novae nous a apporté : ils nous ont offert un accompagnement intensif et un suivi de la part d’experts du marché, » explique-t-il.

Son équipe a bénéficié de formations spécialisées qui ont permis de répondre à de véritables problèmes concrets. « De l’aide à l’amélioration de notre business plan, jusqu’au perfectionnement de nos capacités de négociation avec de potentiels clients et partenaires, nous avons vraiment acquis les compétences nécessaires pour entrer sur le marché en tant qu’entreprise compétitive, » ajoute Eslam.

De la vision au projet

Loin d’être théorique, le soutien apporté par Libya StartUp! est adapté au parcours de chaque entrepreneur. Aucune histoire — ni aucune entreprise — ne se ressemble, et c’est là que réside la force du programme. « Chaque entrepreneur que nous accompagnons a une vision », explique Winsa Elhaderi, responsable de l’accès au financement chez Super Novae. « Ils couvrent des domaines totalement différents et notre rôle est de les aider à affiner cette vision et à leur fournir les outils pratiques pour la concrétiser. »

Lancer une entreprise en Libye demande bien plus qu’une vision ; cela exige aussi beaucoup de résilience. Les entrepreneurs font souvent face à la bureaucratie, à la pression sociale et à un accès limité au capital. Super Novae leur offre des ateliers de groupe intensifs, un mentorat personnalisé et des évaluations pratiques afin de contrer ces difficultés. Le résultat est un système de soutien à la fois complet et personnalisé. « Même après leur graduation, ils restent membres de notre communauté », souligne Winsa. « Nous les invitons à des événements de réseautage, des panels et des conférences internationales. L’écosystème ne s’arrête pas — il s’élargit. »

Avec le soutien de l’UE, le programme a déjà touché des centaines de jeunes entrepreneurs à Tripoli et à Garian. Rawan Abu Aeshah, par exemple, a récemment lancé son propre projet de recyclage automobile à seulement 24 ans.

Recycler des voitures, redéfinir les rôles de genre

Au milieu de l’odeur de l’huile et des machines, Rawan ne tarit pas d’éloges pour le programme, qui l’a aidée à fonder la Permanent Innovation for Manufacturing Advanced and Innovative Engines Company, une startup green-tech qui revalorise de vieux moteurs et pièces automobiles.

« J’ai grandi entourée de voitures car mon père travaillait dans ce secteur. J’ai donc très vite su que je voulais évoluer dans ce domaine aussi », se souvient la jeune femme. Son objectif était de réaliser son rêve tout en créant quelque chose qui puisse aider son pays, sa population et l’environnement.

« Le concept est simple : nous prenons de vieux moteurs et pièces, nous les réparons et les réutilisons dans de nouveaux véhicules. C’est du recyclage, mais pour les voitures », explique-t-elle.

Mais Rawan voulait également que ces véhicules écologiques sensibilisent davantage la population locale aux enjeux environnementaux. En réduisant les déchets industriels, en créant des emplois locaux et en améliorant l’accès à un transport durable — notamment dans les zones mal desservies — elle souhaitait démontrer que soutenir les entreprises locales pouvait représenter un atout majeur pour la Libye.

« Non seulement Permanent Innovation Company a le potentiel de stimuler la création d’emplois locaux, mais elle pourrait aussi contribuer à réduire la dépendance aux importations en soutenant la production nationale », ajoute Rawan avec enthousiasme.

Le parcours de la jeune entrepreneure n’a toutefois pas été sans obstacles, car elle a dû affronter de nombreuses réactions négatives face à son projet. « On m’a dit que c’était un ‘travail d’homme’ et que je n’y arriverais pas. Mais j’ai continué. Aussi parce qu’en plus de mon père, qui est mon premier soutien, j’ai eu Super Novae qui a cru en moi. »

Grâce au programme Libya StartUp! et à l’incubateur Super Novae, Rawan a bénéficié d’un mentorat ciblé et de formations spécialisées au sein de l’Innovation Park, où elle a développé un solide réseau de partenaires et de pairs. « Ils m’ont donné l’opportunité de créer des liens avec d’autres entrepreneurs et des leaders du secteur. Ce niveau de soutien m’a vraiment fait sentir entourée d’une équipe authentique, investie dans ma réussite et qui m’a aidée à atteindre mes objectifs », se souvient-elle avec émotion.

Demain se construit aujourd’hui

Pour Rawan, la réussite consiste avant tout à briser les stéréotypes. « Si une jeune fille veut lancer sa propre entreprise, même dans un domaine ‘inhabituel’, je lui dis : fonce ! »
« Mon conseil est : trouve ta passion. Apprends sans cesse. Construis ton réseau de soutien. Connecte-toi avec d’autres entrepreneurs. Mais surtout, sois patiente et crois en toi », affirme-t-elle.

Eslam, de son côté, est convaincu de la nécessité d’aborder les problèmes concrets avec des solutions réelles. « Il suffit de regarder autour de soi : la Libye a besoin de solutions technologiques modernes. Et nous pouvons être ceux qui les apportent. »

Selon lui, le marché est grand ouvert pour les jeunes entrepreneurs créatifs, qui doivent simplement se lancer et rechercher les soutiens disponibles. « Les compétitions et les programmes spécialisés comme Libya StartUp! sont essentiels car ils vous donnent une expérience pratique, du réseautage et des compétences concrètes comme la planification financière », souligne-t-il, en insistant sur le fait que « l’entrepreneuriat ne se limite pas à l’innovation technologique ; il exige bien plus, comme des compétences en négociation ou en marketing. »

« Et pour tenir tête aux ‘gros poissons’ de l’industrie, il faut être bien équipé ! », conclut Eslam.

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