Grâce à un financement de l’UE d’une valeur de 11.000 euros, Chérine Bou Rached a pu démarrer avec succès sa propre entreprise qui loue des vélos à Jezzine.
Il est 14h. Chérine Bou Rached arrive sur son lieu de travail. Elle commence par vérifier s’il y a des réservations pour cet après-midi. Elle est l’heureuse propriétaire d’une petite entreprise à Jezzine (40 km au sud de Beyrouth) où elle loue des vélos.
Elle examine ensuite les bicyclettes une par une. Avec son adjoint, Khwan, elle inspecte les pneus, les freins. Tout doit être parfait avant l’arrivée des clients. A partir de vendredi et pour tout le week-end, les gens commencent à débarquer dans la ville et il y aura une forte demande pour louer ses vélos.
C’est grâce au financement de l’Union européenne (UE) et à Oxfam et que Chérine, qui n’a pas encore 30 ans, a pu monter sa propre boîte.
Après des études de documentaliste à l’Université libanaise à Fanar (banlieue nord de Beyrouth), elle s’est mariée et a eu deux enfants. Toutefois, avec son diplôme en poche, elle n’a pas pu trouver un emploi à Jezzine.
Elle a donc décidé d’ouvrir sa petite entreprise. « J’aime les vélos depuis que je suis toute petite », affirme Chérine, tout en gonflant un pneu. Elle a donc proposé à Oxfam son projet de « Jezzine Bikes ».
Marco Ricci, coordinateur de programme au sein d’Oxfam, explique que la jeune femme s’est présentée à un concours d’idées organisé par l’association. Après une étude de faisabilité et de bénéfice, son projet a été accepté. Oxfam lui a prodiguée un enseignement condensé de management et de marketing pour bien diriger sa petite entreprise. Avec une aide de 11.000 euros fournie par l’UE, elle a d’abord acheté deux anciens petits kiosques en bois qu’elle a retapés. Elle a acheté les vélos en plusieurs étapes, pour atteindre actuellement 25 unités. Des brochures et des plans de la ville ont également été imprimés.
La municipalité a également été très coopérative. « Le président du Conseil municipal, Khalil Harfouche m’a offert le terrain sur lequel j’ai posé les kiosques. La municipalité a également participé aux frais du logo de l’entreprise, qui a été conçu par un designer de Jezzine », précise la jeune entrepreneure.
« Il faut dire que ce genre de projet manquait à notre ville. C’est une idée pionnière », affirme-t-elle fièrement. Faire du vélo est d’abord une activité physique saine. « On brûle beaucoup de calories », dit-elle en riant. Toutefois, acheter une bicyclette de bonne qualité coûte une petite fortune, au moins 600.000 livres libanaises ! Beaucoup de gens ne peuvent se permettre un tel investissement. Louer donc un vélo à 8.000 livres libanaises par heure devient abordable pour les habitants de Jezzine qui ont envie de pratiquer ce sport.
Quant aux touristes libanais ou étrangers qui visitent la ville pour une journée, un week-end ou même une semaine, le vélo est un moyen de circulation pratique et écologique pour faire un tour dans la ville et son entourage.
Tourisme, écologie et économie
Jezzine est un haut lieu de la villégiature au Liban. Perchée à 950 mètres d’altitude, la ville est connue pour son climat doux en été. Alors qu’à Beyrouth les températures dépassent les 30 degrés Celsius, à Jezzine un vent frais et agréable caresse les habitants et visiteurs.
Entourée de forêts de pin, de montagnes verdoyantes, de falaises abruptes et de chutes d’eau impressionnantes, la ville réussit une osmose avec la nature environnante.
Jezzine est également connue pour son vieux souk, son artisanat, ses églises, ses anciennes bâtisses centenaires et pour ses restaurants.
« Nous avons aussi fait une petite carte touristique de la ville avec les sites intéressants à voir quand on fait le tour », affirme Chérine. En effet, cette initiative a plusieurs bénéfices sur la ville. D’abord touristique, elle permet de visiter Jezzine et ses environs d’une manière pratique, simple et agréable. Ensuite il y a un aspect écologique important : une bicyclette ne pollue pas et finalement un coté économique pertinent. Chérine emploie plusieurs personnes grâce à son petit projet. Il y a d’abord le mécanicien qui entretient les vélos et les répare, ensuite un jeune homme du village pour la vente ainsi que deux personnes qui travaillent en tant que guide quand leur service est sollicité par des touristes. Ceci laisse ainsi le temps à cette entrepreneure de prendre soin de ses deux enfants, tout en dirigeant son entreprise.
Il faut dire aussi que le caractère de Chérine est pour quelque chose dans sa réussite. C’est un petit bout de femme pleine d’énergie. Le sourire toujours aux lèvres, elle affronte les difficultés avec détermination. « J’ai galéré pour que mon projet réussisse et obtienne les accords nécessaires. J’ai appris les rudiments du métier, par exemple comment entretenir un vélo et j’ai fait plein de recherches. Sans oublier que l’entretien des vélos, qui ont toujours besoin de pièces de rechange, est coûteux. Et quand le projet a réussi, j’ai dû affronter la jalousie de quelques villageois qui ont essayé de me mettre des bâtons dans les roues », se rappelle-t-elle. Mais en fin de compte, avec l’aide de l’UE, d’Oxfam et de la municipalité, « Jezzine Bikes » s’est frayé son chemin sur la carte touristique de la ville.
Selon Marco Ricci, « Le but du projet d’Oxfam est de fournir des opportunités de travail pour permettre aux habitants de rester dans la région. Le bénéficiaire est donc à court et moyen terme plus actif et performant dans sa communauté. Ce qui se répercute positivement sur lui et sur sa région. Dans le cas de Chérine, elle est passée d’une femme au foyer au chômage, à une entrepreneure au revenu stable. Quant à la ville de Jezzine, cette initiative est une plus-value pour le tourisme régional ».
« Dans le futur, je compte augmenter le nombre de bicyclettes afin de subvenir au besoin des grands groupes qui visitent la ville », ajoute Chérine pleine d’espoir pour l’avenir.
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