La réhabilitation du patrimoine au service de l’employabilité et de l’insertion

Janvier 15, 2018
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L’Association Santé Sidi El Houari (SDH) d’Oran participe, depuis plus de vingt ans, à la formation et à la réinsertion de jeunes en situation difficile. L’école-chantier de SDH, qui réhabilite un site historique datant du 18e siècle, a permis de former des stagiaires, des artisans et des étudiants en archi­tecture dans le cadre du Programme d’Appui Jeunesse Em­ploi (PAJE), financé par l’Union européenne. Doté d’un bud­get global de 26 millions d’euros, ce programme bilatéral participe au renforcement des mécanismes de soutien à l’emploi des jeunes en Algérie.

Situé à deux battements d’aile du fort de Santa Cruz, le quartier de Sidi El Houari a longtemps été le coeur bat­tant d’Oran. Berbères, Phéniciens, Romains, Vandales, Byzantins, Fati­mides, Abbassides, Espagnols, Ot­tomans et Français se sont installés sur ses contreforts abrupts. Mais de­puis des décennies, ce faubourg qui porte le nom d’un saint ayant vécu au 12e siècle, tombe en ruine.

Il suffit de s’approcher de l’ancien hôpital du campement militaire français, battit sur un bain turc datant de 1708, pour se rendre compte que la vie foisonne dans ce vieux quartier. C’est en effet le repaire de l’association Santé Sidi El Houari que préside le docteur Kamel Bereksi. L’homme est engagé dans la préservation du patrimoine historique et culturel de la vieille ville d’Oran depuis le début des années 90.

« Tout a débuté par un simple concours de circonstances alors que j’étais responsable du Conseil médical de santé publique d’Oran. Une partie de l’ancien hôpital mili­taire de l’armée française avait été transformée en Centre de salubrité publique. Mais le bâtiment entier était insalubre », se remémore-t-il. Un jour, en compagnie de membres de son équipe, le docteur Bereksi découvre par hasard les salles du hammam de l’époque ottomane. « Nous étions face à un trésor archi­tectural qui avait été transformé en décharge sauvage » se remémore-t-il.

Le petit groupe décide de lancer le nettoyage et la réhabilitation des lieux. Ainsi débute l’aventure SDH !

Ecole de la citoyenneté

En 26 ans d’activités, SDH est devenue une véritable école citoyenne au coeur d’un quartier défavorisé. Partenaire des auto­rités locales et d’organisations internationales, Santé Sidi Houari est devenue incontournable dans le monde associatif.

C’est donc sa solide expérience qui lui a permis d’être sélec­tionnée dans le cadre du Programme d’Appui Jeunesse Emploi (PAJE), un programme bilatéral entre l’Algérie et l’Union euro­péenne lancé en 2012.

« SDH a bénéficié d’une subvention directe de 221.882 euros afin de former et d’insérer dans le monde du travail 84 jeunes sans emploi. Notre contribution prévoit aussi la formation de 110 arti­sans et de 40 étudiants en architecture aux pratiques spécifiques du bâti ancien, ainsi que la sensibilisation de 300 étudiants aux questions liées au patrimoine », explique Kamel Bereksi. Les ob­jectifs ont été dépassés, notamment pour ce qui est de la forma­tion de jeunes en situation de déscolarisation puisque 100 ap­prentis sont sortis avec des diplômes du chantier-école de SDH dans le cadre du PAJE.

D’apprenti à formateur

Taille de pierre, menuiserie, électricité, forge, maçonnerie, plâtrerie, couture, rénovation de charpente et de parquet… les formations du chantier-école ont toutes un lien avec la préser­vation du patrimoine et du vieux bâti. SDH se caractérise égale­ment par la possibilité offerte à certains apprentis de devenir formateur. Un statut auquel a pu accéder Abderahmane Taleb Abdelaziz, 21 ans, devenu formateur en menuiserie. « Je suis arrivé par hasard à SDH, j’avais à peine 14 ans et j’étais en si­tuation d’échec scolaire. Au début, je voulais être tailleur de pierres, mais j’ai vite été attiré par les machines de menuiserie et l’ambiance qui règne dans cet atelier », dit-il en montrant à ses élèves une série d’outil.

Durant son cursus, son maître l’avait choisi comme formateur-adjoint afin qu’il puisse intervenir auprès d’ap­prentis en situation de difficulté. Son certificat d’aptitude professionnelle en poche, il travaille d’abord dans des ateliers tout en continuant à consolid­er ses connaissances grâce à des stag­es organisés par SDH et ses partenaires. Il participe activement aux travaux de réhabilitation du siège et devient un militant associatif très actif. Percussionniste, il fait partie du groupe de musique de l’association. Abderahmane a contribué à la forma­tion des 100 jeunes stagiaires inscrits dans le programme PAJE.

Des vies se forgent dans les salles de classe de SDH. A l’instar de Fatma-Zohra Benabed, 16 ans, qui suit des cours de cou­ture. « J’ai quitté l’école récemment, j’étais fâchée avec les langues étrangères », lance-t-elle avec un grand sourire. Les points de piqûres et la brod­erie n’ont plus de secrets pour Fatma-Zohra. Mais son rêve est de deve­nir… plâtrière. « J’aime voir les garçons travail­ler cette matière. J’ai demandé aux respon­sables de l’association de me permettre de suivre une formation de placoplatre, j’espère pouvoir la suivre l’an­née prochaine », note la jeune fille.

La révolution PAJE

Les actions menées par l’association Santé Sidi El Houari sont au cœur du Programme d’Appui Jeunesse Emploi. « C’est une véritable révolution qui se prépare grâce au PAJE, car nous po­sons les jalons de nouveaux mécanismes pour la création d’en­treprises et l’emploi des jeunes qui seront installés dans toutes les wilayas (départements) d’Algérie. Cette nouvelle organisation permettra une implication directe du mouvement associatif » assure Hakim Kessal, directeur de l’emploi et coordinateur du PAJE d’Oran, une des quatre wilayas pilotes. Les actions d’in­tersectorialité et de mise en réseau per­mettront de renforcer les compétences des jeunes demandeurs d’emploi ou créateurs d’entreprises tout en promou­vant les principes de citoyenneté.

Pour sa part, Abderezzak Boucherir, le directeur national du PAJE, indique que les résultats attendus par ce programme ne seront que l’évolution logique d’une politique de l’emploi et du soutien de la jeunesse engagés depuis les années 90 par les autorités algériennes. « Les différents méca­nismes et les fonds publics engagés en faveur de la jeunesse font que l’Algérie est pionnière en la matière. A l’avenir, l’implication des associations sera renforcée car le PAJE permet de créer des passerelles entre tous les intervenants », insiste Abderezzak Boucherir.

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