Ayant constaté que ses amis ont tendance à se débarrasser des vêtements qu’ils ne portent plus, Fatima al-Mughrabi, 23 ans, y a vu l’occasion de lancer le projet « Dbash », qui vise à recycler de vieux vêtements dans le but de changer les habitudes de consommation et de promouvoir une culture de la réutilisation et du recyclage en Libye.
En confectionnant de nouvelles pièces élégantes et fonctionnelles à partir de vêtements jetés, le projet cherche non seulement à réduire les déchets textiles, mais également à offrir des débouchés économiques à la population locale. Fatima souligne que l’idée de la réutilisation et de l’habillement durable doit faire l’objet d’une sensibilisation.
Un projet pionnier
Le concept de base du projet Dbash est de valoriser les vieux habits et de leur donner une nouvelle vie en les redessinant de différentes manières. L’idée du projet vient d’une équipe de créateurs et d’artistes libyens souhaitant promouvoir le développement durable, sensibiliser la population à la protection de l’environnement et instaurer une culture de l’achat et de la vente de vêtements d’occasion.
Fatima et son équipe de quatre personnes collectent les vêtements usagés, puis les inspectent et les nettoient soigneusement. Elles les transforment ensuite de différentes manières, par exemple en y ajoutant des broderies, en les redessinant ou en les modifiant afin d’en faire des pièces nouvelles et uniques.
En ce qui concerne le choix du nom « Dbash », Fatima explique : « Dbash est un mot tiré du dialecte libyen, qui signifie vêtements ou choses. Premièrement, ce nom symbolise la culture et le patrimoine libyens et reflète l’identité locale du projet. Deuxièmement, il a d’autres significations liées au concept général du recyclage et de la durabilité. À l’instar des tissus réutilisés pour recouvrir des meubles et prolonger leur durée de vie, le projet Dbash vise à réutiliser et à raviver des vêtements usagés d’une manière qui contribue au développement durable ».
Fatima souligne que de nombreuses personnes achètent des vêtements pour une occasion particulière et les laissent ensuite dans leur placard pendant un long moment jusqu’à ce qu’ils deviennent inutiles parce qu’ils sont « démodés ». Le fait de transformer ces vêtements de manière professionnelle profite donc au vendeur et à l’acheteur, ce dernier pouvant obtenir de nouveaux vêtements pour la moitié de leur prix sur le marché.
Acquisition de compétences et de connaissances
Les activités menées par Dbash ne sont pas limitées au recyclage des étoffes, mais portent également sur l’acquisition de compétences. Le projet organise en effet des ateliers s’adressant principalement aux jeunes filles et aux femmes, qui sont les plus grandes consommatrices de vêtements et d’articles de mode et ont une forte influence dans la société, pouvant ainsi contribuer à diffuser l’idée derrière le projet plus rapidement.
« Dans les ateliers que nous avons animés, nous avons demandé aux participantes d’apporter de vieilles pièces trouvées dans leurs placards pour que nous puissions les rénover et nous leur avons montré comment ajouter leur touche personnelle. À la fin de la formation, nous avons proposé à celles qui le souhaitaient d’exposer leurs articles dans une foire que nous avons organisée pour qu’elles puissent les vendre à des prix réduits », explique Fatima.
Incubateur Asaria : le parcours entrepreneurial de Fatima financé par l’Union européenne
Fatima a eu la possibilité de rejoindre l’incubateur d’entreprises Asaria, financé par l’Union européenne, qui soutient le développement d’une communauté florissante d’entrepreneurs divers en Libye en leur apportant les ressources, le mentorat et l’expertise nécessaires pour transformer leurs idées novatrices en entreprises prospères et durables.
L’incubateur leur permet de bénéficier d’une formation et de ressources précieuses dans les domaines de la gestion d’entreprise, du marketing et des compétences créatives, en plus d’avoir accès à un espace de travail partagé, ce qui contribue à la croissance et au développement des projets et augmente les chances de réussite.
Pour vendre leurs produits, Fatima et son équipe s’appuient sur les médias sociaux, où les ventes de vêtements ont augmenté récemment. La jeune femme aspire à toucher une plus grande partie de la population du pays, à passer d’une boutique en ligne à un vrai magasin et à accroître l’interaction directe entre les vendeurs et les clients.
Ahmed Al-Amami, gestionnaire de projets au sein de l’incubateur Asaria, déclare au sujet de la sélection du projet Dbash : « Ce qui distingue Dbash, c’est qu’il s’agit du premier projet de ce type à mettre l’accent sur le recyclage des vêtements de manière durable, l’idée étant de promouvoir une culture de la réutilisation et de la durabilité dans le secteur de l’habillement. Compte tenu de l’intérêt croissant pour le développement durable en Libye et des difficultés liées aux déchets solides, le projet Dbash est unique et a de grandes chances de réussir dans ce contexte ».
Asaria cherche à soutenir en priorité trois types de projets : les projets environnementaux, agricoles et techniques reposant sur le concept du développement durable. L’incubateur aide les entrepreneurs à résoudre les difficultés qu’ils rencontrent en leur apportant un soutien financier et technique, des espaces de travail appropriés, ainsi que les conseils et les avis nécessaires, en plus de dispenser des programmes de formation et de mentorat.
Ahmed Al-Amami explique également que le soutien de l’Union européenne a permis d’accroître les possibilités de financement. En fait, chaque start-up sélectionnée peut obtenir jusqu’à 120 000 dinars libyens de financement et bénéficier de six heures de consultations personnelles au maximum. En outre, Asaria permet aux entrepreneurs de se constituer un réseau de connaissances et de nouer des relations, encourageant ainsi les participants à entrer en contact avec d’autres entreprises tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’incubateur et à collaborer avec les institutions gouvernementales.
En ce qui concerne les projets soutenus par l’incubateur qui ont réussi à lancer leurs activités, Ahmed Al-Amami déclare : « Actuellement, l’incubateur accompagne 25 projets dans le cadre de la première phase et la plupart de ces entreprises réussissent sur le marché libyen ».
Il ajoute que les principales difficultés auxquelles sont confrontés les entrepreneurs sont notamment la bureaucratie, le manque de soutien financier, le manque d’infrastructures ainsi que l’instabilité politique et l’insécurité, qui affectent l’environnement des entreprises en Libye.
Une culture de la réutilisation
Le projet Dbash présente les vêtements recyclés comme une solution durable et économique, surtout en période de difficultés financières. Le projet peut proposer des articles abordables aux personnes confrontées à des difficultés financières, et chaque vêtement recyclé est recréé de manière unique.
« Avec la crise économique, les pratiques de recyclage refont surface, enseignant à la population la culture du recyclage et ses principes de base pour que chacun puisse confectionner de nouvelles pièces à partir de celles trouvées dans son placard grâce à des idées novatrices », explique Fatima.
N’ayant pas de structures de gouvernance efficaces ni d’infrastructures adéquates, la Libye rencontre des difficultés pour gérer les déchets. Ces derniers sont en effet déversés dans de vastes décharges et incinérés ou éliminés à ciel ouvert, ce qui non seulement dégrade la qualité de l’environnement, mais entraîne également des risques pour la santé de la population. Selon les statistiques officielles, la ville de Tripoli produit à elle seule près d’un million de tonnes de déchets solides par an, dont une grande partie est constituée de déchets plastiques.
Le projet Dbash est un modèle de transformation des difficultés en véritables possibilités. En mettant l’accent sur le recyclage des vêtements et en soutenant la mode durable, Dbash contribue efficacement à réduire le volume des déchets d’une manière innovante, tout en promouvant une culture de la durabilité en Libye.
Ce projet apporte non seulement des solutions aux problèmes liés aux déchets, mais sert également de point d’ancrage pour construire un avenir plus durable grâce à des initiatives circulaires qui dynamisent l’économie locale et soutiennent l’innovation environnementale, notamment la réutilisation de matériaux dans des produits à valeur ajoutée, réduisant ainsi les effets sur l’environnement et favorisant une croissance économique durable grâce aux vêtements que les gens ne portent plus.