“Un geste sincère d'appréciation et d’amour d'un Palestinien pour le Maghreb”: point de vue sur la migration présenté par le lauréat du” Prix du jeune écrivain “

Avril 11, 2019
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J’espère que cela peut être perçu comme un geste sincère d’appréciation et d’amour d’un Palestinien pour le Maghreb.

 

Le jeune Palestinien Omar Shanti étudiant en littérature maghrébine a remporté le Prix du jeune écrivain « Young Writer Prize » du projet (MED)RESET, financé par l’UE.

 

Omar Shanti, 23 ans, a laissé sa marque en remportant le «Prix du jeune écrivain» du projet (MED)RESET, financé par l’Union européenne, pour son article intitulé «El Haraga une lecture à travers la littérature maghrébine». Le «Prix du jeune écrivain» est un élément essentiel du projet (MED)RESET, qui vise à donner la parole aux jeunes et à créer des projets de recherche communs en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

 

 

Mme Federica Mogherini, haute représentante de l’Union européenne a remis le prix à Omar Shanti lors d’une cérémonie en son honneur qui a eu lieu au Palais Egmont à Bruxelles, à l’occasion d’une conférence intitulée « Le Moyen-Orient et l’Union européenne : Nouvelles réalités, nouvelles politiques ». Un groupe d’ambassadeurs arabes et européens, d’écrivains, de politiciens et de journalistes y ont participé. Omar a été primé pour son article «El Haraga une lecture à travers la littérature maghrébine» . L’auteur y traite du sujet de la migration continue des populations du Maghreb et ses conséquences sociales, culturelles, politiques et psychologiques.

Selon Omar, la production de cet article a été une tâche périlleuse. Il précise ce qui suit : « j’ai travaillé sans répit pendant des semaines entières, nuit et jour. Je passais mon temps à la bibliothèque à me documenter et à consulter des sources. C’est ainsi que cet article a vu le jour ». Omar a opté pour le terme « Haraga », dérivé du verbe arabe « brûler », plutôt que d’utiliser le terme « immigration illégale » pour les implications grammaticales importantes.

Quand on parle d’immigration, le lecteur ne doit pas résumer ce phénomène au simple fait de quitter le pays d’où l’on vient. Il s’agit plutôt de prendre conscience de l’état du migrant lui-même, à savoir la souffrance endurée pendant le périple avant l’arrivée à bon port. S’ajoute à cela les tentatives pour s’adapter et se cacher, étant constamment sous la menace d’une potentielle arrestation dans le pays d’arrivée. Selon Omar, il serait injuste de réduire la complexité d’un tel phénomène en ignorant toutes les conséquences et les risques qu’il engendre. Force est de constater que c’est de cette complexité même que les médias et les politiciens européens détournent les yeux quand ils ont en ligne de mire le mouvement migratoire que connaît le Maghreb. Ce dernier étant le lieu de passage vers d’autres pays européens. Il est clair que la souffrance de ces migrants demeure ignorée, voire sous-estimée.

Son choix s’est porté sur les pays du Maghreb dans la mesure où le Maroc, l’Algérie et la Tunisie sont fortement affectés par le phénomène. Bien évidemment, un tel mouvement migratoire a des répercussions psychologiques, politiques et sociales sur le migrant, son entourage et sa famille.

En réalité, même si la situation du pays de départ rebute le migrant au point de vouloir le quitter pour bénéficier d’une vie meilleure, rien ne garantit qu’il sera bien accueilli dans le pays d’arrivée ou qu’il s’y sentira bien.

Pour reprendre les paroles d’Omar, « J’ai choisi d’écrire sur le Maghreb en raison notamment de l’immense soutien et de la solidarité dont la nation palestinienne bénéficie de la part du Maghreb. Il existe des liens d’amour et de nationalité ainsi que de lutte coloniale – passés et continuels. “

Selon Omar, l’héritage des deux pays présente certains points communs. À titre d’exemple, la question du colonialisme, la souffrance et l’immigration en sont uns. En outre, une étude comparative des œuvres littéraires algériennes et palestiniennes refléterait une telle ressemblance au niveau des thèmes traités, spécifiquement autour des thèmes de l’exil, de l’éloignement et des traumatismes coloniaux. 

Dans un sens plus contemporain, Omar raconte la tactique extraterritoriale de l’UE visant à arrêter le flux de migrants à ceux qu’Israël a testé sur des immigrants palestiniens et africains en toute impunité juridique. Les Palestiniens ne sont pas plus à l’abri de telles procédures, à savoir la construction du mur et le refus du retour des réfugiés.

Dans cet article, Omar condamne le fait de circonscrire la question de l’immigration à la simple responsabilité du migrant sans tenir compte des conséquences que cela pourrait avoir sur lui lorsqu’il vit dans la clandestinité. En utilisant la grammaire du terme arabe «Haraga», Omar interprète cette dernière figure sous le nom de «mahroog» (le brûlé) et articule sa propre réponse à la perte d’un être cher en tant que «inhirag» (leur brûlure).

En effet, le migrant passe par trois étapes étroitement liées que l’on ne doit pas dissocier : Ces piliers sont l’émigration, c’est-à-dire la sortie et ses conséquences ; puis l’immigration, c’est-à-dire l’arrivée et les périls du voyage ; et la clandestinité dont l’état existentiel d’être et de rester en séjour illégal dans un pays étranger. Omar affirme que la migration n’est jamais terminée, car le processus de passage de la frontière par le migrant clandestin n’est pas terminé. Toute interaction avec la police, les employeurs, les voisins ou un membre de la société constitue un test que le migrant doit réussir pour empêcher l’expulsion.

Le terme « Harraga » a une connotation chargée qui renvoie à l’idée de « brûler » son propre passé et aux risques inhérents à cette démarche. En effet, cette dernière n’est que le résultat direct d’un désespoir profond et d’une frustration générale qui marque la région de départ des migrants. Quand ces derniers réussissent à survivre, ils procèdent à la destruction de leurs papiers d’identité en les brûlant avant de mettre le pied dans pays d’arrivée. Il s’agit d’un acte dont on ne sort pas indemne, car il laisse des traces sur le plan psychologique. En ce sens, Omar  Shanti fait allusion à l’incendie que Tariq Ibn Ziyad a provoqué pour brûler sa flotte pour ne pas rebrousser chemin et libérer l’Andalousie à cette époque. En dernier lieu, le terme évoque également les dégâts au niveau social et interpersonnel : un vide se crée suite à chaque départ. Cela résulte en un déséquilibre au sein de la famille en particuler et de la société en général.

De son côté, Daniela Huber, coordinatrice scientifique du projet (MED)RESET financé par l’Union européenne, a déclaré que le prix attribué à l’article présenté par Omar demeure la preuve incontestable de la réussite du projet et l’accomplissement de ses objectifs : encourager les intellectuels et les écrivains à entamer des recherches et à établir des études qui pourraient améliorer l’avenir de la région. Ainsi, cet article, qui aborde la question de la migration maghrébine dans un contexte marqué par la compréhension limitée de la société européenne, l’intransigeance des partis de droite (voire extrême droite) et les demandes d’expulsion de ces immigrants, prouve que les efforts de ceux qui ont contribué à la mise en place de ce projet n’étaient pas vains.

Daniela Huber précise également que le projet (MED)RESET a été financé par l’Union européenne à hauteur de 2.5 millions d’euros pour qu’il soit un organisme de recherche et d’étude au Moyen-Orient qui crée des pistes de partenariat alternatives dans cette région grâce aux chercheurs.

Par ailleurs, de jeunes chercheurs du Liban, de la Turquie, de la Tunisie, de l’Algérie, du Maroc, de l’Italie, de l’Allemagne, du Qatar, de la Palestine et des États-Unis ont participé au Prix du jeune écrivain. Le projet a en effet atteint son objectif au cours de sa troisième et dernière année : rassembler les diverses populations et créer un lien entre elles en essayant de comprendre leurs différentes idées, leurs aspirations communes et en faisant appel aux intellectuels parmi elles.

En ce qui concerne la prochaine phase des projets (MED)RESET, Daniella Huber avance ce qui suit : « nous présenterons des recommandations à l’Union européenne en vue de l’adoption d’un nouveau projet qui créera une base commune pour les pays de l’Europe du Sud, du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Ce programme offrira des subventions pour les études de troisième cycle concernant la région pour permettre aux chercheurs de présenter des documents de travail, des recherches et des études qui peuvent en premier lieu changer la réalité de la région et aider à développer sa compréhension. En second lieu, il s’agit de corriger les erreurs et les stéréotypes des populations et des politiciens européens. » 

L’étude d’Omar est une piste de recherche importante qui pourrait être le point d’appui pour les écrivains, les penseurs et même les hommes politiques dans l’avenir. En ce sens, Omar remercie Dr. Elie Haddad du Centre d’études arabes et le site de Jadaliyya qui a publié la subvention. Il remercie également ses parents. 

Omar précise qu’il a eu un double parcours dans le cadre de sa licence à l’Université Northwestern, à Chicago, où il a étudié l’informatique ainsi que l’économie, spécialité Moyen-Orient et Nord Afrique. Cette double compétence est la voie qui permet d’employer la technologie pour cibler le plus grand nombre de personnes tout en adoptant une approche fondée sur la compréhension de la géographie et de l’histoire de la région, voire le marché du travail, domine dans lequel il souhaite se spécialiser.
 
En ce qui concerne le début de son parcours universitaire, Omar ne savait pas à l’époque le domaine auquel il était destiné. Sa passion ne s’est révélée que lorsque la guerre contre Gaza a éclaté en 2014. Selon lui, l’ampleur des discours trompeurs et des falsifications des médias ainsi que l’ignorance de l’aspect humain que revêt la cause de son peuple représentent une phase décisive dans sa vie et dans son parcours académique et culturel. Cela l’a incité à effectuer des études approfondies sur l’histoire de la région. Il s’agissait de voyager dans le temps pour créer une continuité entre l’histoire ancienne et l’histoire moderne afin d’élargir ses connaissances. Ce travail a fait de lui un lecteur et un chercheur qui ne cessait d’explorer de nouvelles voies pour tirer des leçons et pour produire des analyses interdépendantes dans l’espoir de trouver des solutions fondées sur la connaissance et la recherche. Il a identifié Edward Said et Ali Abunimah parmi ses héros de cette période. Humainement parlant, ce jeune chercheur considère que même si chaque Palestinien dans le monde, y compris lui-même, a sa propre histoire d’aliénation qui le distingue, tous partagent une réalité commune : le colonialisme, les migrations forcées, la pauvreté, l’ignorance et l’oppression demeurent les causes de ce sentiment. Les conséquences de tels actes sont également les mêmes pour tous les Palestiniens, c’est-à-dire le fait d’être étranger et l’angoisse résultant de la longue attente. C’est ici que réside l’élément constitutif de l’histoire commune entre le peuple du Maghreb et le peuple palestinien qui est en mesure de bien décrire cette souffrance.

Omar souligne également que l’opportunité que l’Union européenne a offerte aux jeunes participants lui a permis de forger ses idées, de les structurer et de les développer, élargissant ainsi son cercle de connaissances, qui lui offrirait dans un futur proche des opportunités exceptionnelles. D’après lui, cela est inestimable.

Pour définir l’essence de (MED)RESET, Omar considère ce projet comme une tentative sérieuse pour créer une plateforme d’inter-coopération entre chercheurs et universitaires pour traiter des questions et des problématiques de la région. Une telle initiative est unique en ce genre financièrement et humainement parlant : somme colossale et enthousiasme débordant. Selon Omar, « des recherches conjointes entre les pays du Moyen-Orient, de l’Afrique et de l’Europe n’ont jamais eu lieu. Pour cette raison, le projet (MED)RESET a vu le jour. L’objectif serait de créer une base éducative pour mettre en place des études, des recherches et des coopérations en vue de reconstruire la personnalité du Moyen-Orient et d’unir ses divers peuples ».

Sur le long terme, Omar aspire à construire des ponts entre l’Europe, le Maghreb et le Moyen-Orient pour établir le dialogue et à trouver des solutions aux causes profondes de l’immigration clandestine. Sur le court terme, il souhaite mobiliser le public en répandant la réalité de la souffrance que les immigrants éprouvent. Il rêve également de retourner dans le monde arabe et de créer une entreprise technologique qui prend en compte la sensibilité de l’histoire et l’impact de la politique pour que sa création ait un impact positif sur la région et ses citoyens : une vie digne plus sécurisée et stable. 
Être primé par l’Union européenne représente, à ce jour, son plus grand succès vue la valeur morale du Prix jeune écrivain dans le monde littéraire et académique ainsi que la possibilité que cela lui a permis de centrer les voix exclues du Maghreb.

 

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