À l’atelier de confection Jamila, dans le sud de la Libye, 17 femmes s’activent comme dans une ruche pour coudre et vendre des vêtements. Grâce à ce travail, les petites mains de l’atelier ont fait tomber les barrières et surmonté les obstacles pour gagner leur vie.
Une expérience unique
Jamila Mansour, la directrice de l’atelier âgée de 45 ans, décrit sa carrière comme un parcours plus semé d’embûches que de pétales de roses. Pourtant, elle n’a jamais abandonné ce rêve, cette idée qu’elle a maintenant réussi à concrétiser. Pour elle, cet atelier est l’occasion de s’aventurer vers de nouveaux horizons.
« Avec des efforts modestes, nous avons lancé notre projet il y a deux ans. Les gens étaient plutôt surpris et se demandaient si nous avions des chances de réussir. Les inquiétudes concernant les possibilités d’emploi pour les femmes dans la région étaient palpables et je me demandais si nous pouvions vraiment parvenir à concrétiser ce projet, » explique Jamila.
« Il nous appartient d’évaluer nos propres capacités et notre potentiel », affirme Jamila, d’une voix ferme et résolue. Ses paroles sont empreintes d’une conviction forgée au fil d’années passées à surmonter les obstacles. « Chaque femme est capable d’exercer n’importe quelle profession si elle en a la volonté », poursuit-elle. Néanmoins, elle garde aussi le souvenir du scepticisme de la société, de ceux qui ont remis en question ses aspirations. « Je me souviens encore très bien des doutes qui m’ont envahie, en particulier en ce qui concerne mon droit en tant que femme d’accéder à l’indépendance financière. Mais nous avons surmonté toutes les difficultés et en avons fait des possibilités. Nous avons reçu beaucoup d’aide et de soutien de la part de nos familles, et nous avons développé un lien très fort avec notre travail », souligne Jamila.
L’atelier a bénéficié d’un soutien financier de l’UE dans le cadre d’un programme d’accélération des entreprises de six mois baptisé Boost, qui a permis d’encadrer 19 start-up émergentes de six villes libyennes. Ce programme a été mené dans le cadre du projet EU4PSL, qui vise à aider les petites entreprises, notamment celles dirigées par des femmes, afin de soutenir le développement économique en Libye. L’UE contribue à soutenir les compétences qui s’avèrent très importantes sur les marchés locaux de plusieurs pays grâce à une série d’initiatives visant à développer les compétences des jeunes et à leur assurer un avenir prometteur.
Avec son équipe, Jamila a pu signer des contrats avec plus de cinquante établissements scolaires de la région du sud pour confectionner des uniformes, ce qu’elle décrit comme la grande réussite dont elle a toujours rêvé.
Une occasion en or
Ces femmes considèrent l’atelier comme une occasion en or. Bien qu’elles débutent leur carrière, elles fournissent des efforts constants pour en faire une future source de revenus pour leur famille et créer de nouveaux emplois. Jamila et ses collègues ont suivi des formations spécialisées et acquis de l’expérience dans ce domaine, ce qui leur a permis de réussir.
Les femmes de l’atelier désirent présenter leur idée à autant de femmes que possible, et elles ont déjà commencé à former des jeunes filles de plusieurs villes de la région du sud, l’objectif étant d’élargir la portée de leur projet et d’aider davantage de femmes à parvenir à l’indépendance économique.
Dans une partie de l’atelier, l’une des ouvrières semble heureuse, se déplaçant entre les machines et travaillant le tissu pour en faire de beaux vêtements.
Considérant l’atelier comme un refuge qui lui permet d’oublier les difficultés de la vie, elle exprime sa joie : « Je suis très heureuse de passer du temps ici avec mes collègues ; nous coupons et travaillons les tissus pour créer de belles pièces ». La quadragénaire ajoute : « Je suis fière de chaque pièce que nous confectionnons. J’ai l’impression de créer quelque chose à partir de rien ». Et de poursuivre : « Ce travail nous donne une image positive de l’autonomisation des femmes, car nous cherchons à nous perfectionner jour après jour et à acquérir des expériences qui nous aident dans la vie ».
Soulignant à quel point elle est passionnée par la création depuis l’enfance, Jamila explique : « Au début du projet, j’ai été confrontée à plusieurs difficultés, la première étant le capital. J’ai donc décidé de vendre tous mes bijoux en or. Malgré l’opposition de ma mère et l’hésitation de mon mari, et connaissant l’importance de l’or pour les femmes libyennes, j’ai réussi à les convaincre et j’ai commencé à travailler avec cinq femmes et seulement deux machines à coudre ».
Jamila et ses collègues doivent encore faire face à d’autres difficultés dans la région du sud, comme elle le souligne : « Nous avons eu de grosses dépenses parce qu’il n’y avait pas de grossistes de tissus dans la région, ce qui a été notre plus grand défi. Mais notre coopération avec l’UE et son soutien nous ont permis de signer un contrat avec un magasin qui nous expédie des tissus à la demande ».
Encourager les efforts de recyclage
Jamila a également travaillé sur une initiative environnementale visant à encourager les efforts de recyclage dans le pays et à procurer des revenus supplémentaires aux femmes. Elle a tiré profit des chutes de tissus en les transformant en sacs en toile multiusages dans le but de diminuer l’utilisation des sacs en plastique et de réduire au minimum leurs effets négatifs sur l’environnement.
La campagne a été lancée à la suite de l’augmentation rapide de l’utilisation de sacs en plastique et en nylon en Libye, où leur consommation annuelle par habitant est comprise entre 1 000 et 1 500 sacs, d’après les estimations. Ce chiffre est presque deux fois plus élevé qu’en Europe, ce qui témoigne du niveau alarmant de la consommation de plastique dans le pays.
En ce qui concerne le choix des boulangeries et des pâtisseries pour la mise en œuvre de son initiative, Jamila explique : « Le pain faisant partie des produits de première nécessité emballés en général dans des sacs en plastique, nous avons décidé de cibler ce secteur capital, et ce en raison du danger associé à l’utilisation de sacs en plastique avec le pain. Ces sacs sont en effet composés de produits chimiques et de substances dérivées du pétrole qui peuvent réagir et entraîner des effets nocifs pour la santé, en particulier lorsque le pain est encore chaud ».
Elle précise qu’elle ne s’attendait pas au succès qu’elle a rencontré jusqu’à présent : « J’ai toujours aimé ce domaine et j’adore chaque tissu que je travaille et recycle. Quand les gens apprécient un modèle que j’ai dessiné et confectionné, cela me rend très heureuse ; c’est comme si le monde entier m’appartenait ».
Les enseignements tirés par les femmes ont été à la hauteur du succès rencontré ; elles ont beaucoup appris grâce à leurs efforts et à leur détermination. En découvrant qu’elles étaient capables de réaliser de magnifiques broderies que les gens admiraient et achetaient pour leur beauté, elles ont réalisé l’importance de leur rôle dans le secteur privé.
En Libye, le secteur privé est un moteur de l’innovation, de la création d’emplois et de la croissance économique. Par conséquent, il est indispensable de créer un environnement propice aux activités économiques qui encourage l’esprit d’entreprise et garantit des conditions favorables à l’innovation, à l’investissement et au commerce dans le pays.
Jamila fait part de son ambition d’élargir le champ d’activité de son atelier : « Nous aspirons à étendre la distribution de nos produits non seulement au sud, mais également à l’ouest et à l’est, afin de desservir toutes les régions de la Libye.
J’espère avoir des succursales dans de grandes villes comme Tripoli et Benghazi. Pourquoi ne pas inverser la tendance pour que nous, au Sud, puissions exporter nos produits vers le Nord ? Pourquoi faut-il que tout vienne de l’extérieur ? ».
Jamila espère que l’État aidera les micro-entrepreneurs, notamment en ce qui concerne la confection d’uniformes scolaires. « L’État les importe de l’étranger alors qu’il pourrait faire appel à des ateliers locaux comme le nôtre pour établir une coopération et des relations commerciales avec les producteurs locaux, ce qui développerait notre économie », ajoute-t-elle.
Le projet d’appui aux entrepreneurs « Boost »
L’Union européenne a soutenu les entrepreneurs en les dotant des compétences et des outils nécessaires et en leur donnant la possibilité de transformer leurs idées en entreprises prospères. Dans ce contexte, le projet Boost a démontré son efficacité en facilitant leur accès aux institutions économiques et en apportant un soutien à des petites entreprises et des start-up actives dans différents domaines, comme l’atelier de Jamila.
Jamila conclut en soulignant qu’elle est heureuse de faire partie des bénéficiaires des projets financés par l’Union européenne. Elle précise qu’elle a tiré énormément de choses positives de cette expérience et qu’elle espère poursuivre ses efforts pour réaliser son rêve, à savoir ouvrir une grande usine.
Jamila aspire à diriger cette usine et à employer des femmes de la région pour offrir de meilleures possibilités d’emploi et des produits locaux qui soutiendront l’économie nationale, et créer un marché local basé sur la qualité et la créativité libyennes.