Bonjour,
Je suis très heureux de cette nouvelle visite au Liban, puisqu’il y a quelques années, je me trouvais ici en ma qualité de ministre des Affaires étrangères de l’Espagne et j’ai également eu l’honneur d’être reçu par le président de la République [Michel Aoun]. Mais c’est la première fois que je me rends au Liban en tant que Haut représentant de l’Union européenne.
Le Liban est un voisin et un partenaire proche et de longue date de l’Union européenne. Nous sommes vivement préoccupés par les crises économiques et politiques actuelles auxquelles le Liban est confronté. Je suis venu aujourd’hui pour témoigner, au nom de l’Union européenne, de notre solidarité et de notre soutien au peuple libanais, mais aussi pour exprimer notre inquiétude à ses autorités politiques.
Nous, l’Union européenne, sommes disposés à jouer notre rôle pour apporter un soutien durable au Liban et à son peuple. En 2020, l’année dernière, nous avons mobilisé 333 millions d’euros d’aide en faveur du Liban. Cela représente près d’un million d’euros par jour. En collaboration avec les Nations Unies, nous avons mis en place un cadre destiné à apporter une aide directe au peuple libanais. Nous avons de nombreux autres instruments à notre disposition pour aider le gouvernement libanais, et nous sommes prêts à les mobiliser dès que nous constaterons des progrès tangibles dans les réformes qui s’imposent.
Nous ne pouvons pas accorder cette aide en l’absence de progrès dans le processus de réforme. Des réformes que le pays doit entreprendre pour surmonter la crise actuelle. Permettez-moi donc d’être clair : nous avons les ressources et la volonté de fournir une aide plus importante. Mais pour ce faire, il est indispensable que le processus de réforme se poursuive, s’accélère et permette de surmonter la situation actuelle. Laissez-moi vous donner un exemple : aussitôt qu’un programme du Fonds monétaire international (FMI) sera en place, nous serons en mesure d’envisager l’octroi de prêts concessionnels et de garanties, d’instaurer des mesures commerciales et de déployer un programme d’assistance macrofinancière. Cela se traduira par une enveloppe financière importante et des mesures qui contribueront à relancer l’économie libanaise.
Mais je tiens également à délivrer un message empreint de fermeté à tous les dirigeants politiques libanais. Un message au nom de l’ensemble de l’Union européenne et de ses États membres. La crise à laquelle le Liban est confronté est une crise intérieure. Il s’agit d’une crise qu’il s’est lui-même imposée. Il ne s’agit pas d’une crise émanant de l’étranger ou de facteurs externes. C’est une crise interne. C’est une crise qui est le fruit de vos actions. Et pour la population, les conséquences sont très lourdes : un taux de chômage de 40 % et plus de la moitié de la population en situation de pauvreté. Ces chiffres sont alarmants.
Les dirigeants libanais doivent prendre leurs responsabilités et adopter les mesures nécessaires sans plus tarder : un gouvernement doit être formé et les principales réformes doivent être mises en œuvre dans les plus brefs délais. Nous ne comprenons pas les raisons pour lesquelles, neuf mois après la désignation d’un Premier ministre, le Liban ne dispose toujours pas d’un gouvernement. Seul un accord urgent avec le Fonds monétaire international permettra de sauver le pays d’un effondrement financier. Afin d’éviter une telle situation, le Liban doit conclure un accord avec le Fonds monétaire international. Il n’y a pas de temps à perdre. Vous vous trouvez au bord d’un effondrement financier.
Je viens à l’instant de mener un échange franc avec Son Excellence le Président [de la République libanaise, Michel] Aoun sur ces questions et je poursuivrai mes discussions avec d’autres membres des autorités libanaises, notamment avec le Premier ministre désigné [Saad] Hariri, avec le Premier ministre intérimaire [Hassan] Diab et avec le Président de la Chambre [des représentants, Nabih] Berri.
Permettez-moi d’insister. Nous sommes prêts à vous aider, si c’est ce que vous souhaitez. Mais si les solutions à la crise multidimensionnelle que connaît actuellement le pays continuent de faire l’objet de blocages, nous devrons envisager d’autres moyens d’action, comme l’ont proposé certains États membres. Le Conseil de l’Union européenne a examiné les différentes options, y compris des sanctions ciblées. Bien entendu, nous préférons éviter d’emprunter cette voie et nous espérons ne pas avoir à le faire. Mais la balle est dans le camp des dirigeants libanais.
Je tiens également à dire quelques mots sur les réfugiés au Liban à l’approche de la Journée mondiale des réfugiés, qui aura lieu demain. Au moment d’évoquer la question des réfugiés, nous devons saluer les Libanais pour tous leurs efforts, pour le solide soutien que le peuple libanais a apporté aux réfugiés. À l’approche de la Journée mondiale des réfugiés, demain, nous devons saluer ces efforts et nous sommes tout à fait conscients de la charge que la population de réfugiés fait peser sur le Liban, notamment ceux originaires de la Syrie voisine. Le Liban est un lieu de refuge pour les personnes qui fuient un conflit brutal, au nom de l’humanité. Depuis le début, l’Union européenne a apporté un soutien substantiel, tant aux réfugiés qu’aux communautés d’accueil, et nous sommes disposés à faire davantage. Nous sommes prêts à soutenir davantage le Liban, la Jordanie, la Turquie, les pays qui accueillent et prennent en charge les réfugiés.
Par ailleurs, à ce sujet, nous sommes convaincus que les autorités libanaises continueront à respecter le principe de non-refoulement. Nous continuerons à apporter notre soutien aux réfugiés et aux communautés libanaises qui accueillent une grande partie de cette population. Permettez-moi de souligner que la crise économique que connaît actuellement le Liban est le résultat d’une mauvaise gestion et n’est pas liée à la présence de réfugiés. Il est injuste de déclarer que la crise au Liban est due à la présence de réfugiés.
Il convient également de mentionner les ressources du Liban. Malgré la fuite des cerveaux causée par la crise, le Liban dispose d’un capital humain précieux. Le capital humain est le capital le plus important. Et le Liban peut compter sur celui-ci. Je me réjouis de rencontrer divers militants et organisations de la société civile – non seulement les dirigeants politiques et les institutions, mais aussi les militants et la société civile – afin de connaître leur point de vue sur la situation actuelle et de discuter des moyens de soutenir leurs efforts.
Je pense que le Liban dispose d’une société civile dynamique et grâce à cette société civile dynamique et à tous les Libanais qui se battent chaque jour pour l’avenir de leur pays, grâce à cela, je suis convaincu que la sortie de crise est possible.
Permettez-moi de finir en français, pour faire deux points qui me paraissent importants. D’abord, les élections prévues pour l’année 2022 doivent se tenir dans les délais prévus. Cela n’aiderait pas de repousser les élections. Il faut que les élections aient lieux à la date prévue. Nous sommes prêts à envoyer une mission d’Observation Électorale, évidement si nous recevons une invitation pour le faire. Mais je pense que cela aiderait beaucoup au processus électoral, pour être sûr qu’il se déroule dans le respect des principes démocratiques et que les élections soient « free and fair » (libres et justes).
Les autorités libanaises doivent mener l’enquête sur l’explosion dans le port de Beyrouth d’août dernier, et cette enquête doit produire des résultats. [Presque] un an plus tard, nous sommes toujours dans l’attente des résultats de l’enquête.
Finalement, je voudrais souligner le fait que je suis ici au Liban en tant qu’ami, en tant que représentant d’un ami -l’Union européenne-, qui est un ami du peuple libanais et du Liban. Et les vrais amis se disent les choses sincèrement. Si le Liban est prêt à prendre ses responsabilités, l’Union européenne fera sa part. Nous sommes vraiment disposés à augmenter notre aide et à soutenir le Liban. J’espère avoir l’occasion de pouvoir le faire.
Merci, shukran.