D’ici à 2025, onze stations d’épuration au Liban devraient être à nouveau pleinement opérationnelles.
« Château d’eau du Moyen-Orient », le Liban pourrait bien perdre ce titre en raison de l’absence continue de politiques publiques pour protéger cette ressource. Dans un contexte de crise multidimensionnelle, qu’il s’agisse de l’effondrement financier ou des pénuries d’électricité, la situation du traitement des eaux usées dans le pays, déjà critique, n’a fait qu’empirer ces dernières années. Parmi plus de 70 stations d’épuration de l’eau réparties sur tout le territoire, dont 28 principales en termes de capacité et de population desservie, seules quelques-unes continuent de tourner, et ce à leur niveau opérationnel minimal.
Un état des lieux bien connu, mais négligé par les autorités libanaises, que l’Unicef au Liban (Fonds des Nations unies pour l’enfance) a dénoncé à maintes reprises l’an dernier, alors qu’une épidémie de choléra s’était répandue dans certaines régions du pays, touchant principalement les populations les plus défavorisées. Alors, pour relancer la machine, le ministère de l’Énergie et de l’Eau a annoncé le 5 juin dernier, à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, un partenariat avec l’Union européenne et l’Unicef dans le cadre de son plan de relance du secteur de l’eau pour 2026.
Financé par Bruxelles et mis en œuvre par l’Unicef, ce projet a pour but de remettre en fonction 11 stations d’épuration et soutenir leurs coûts d’opération d’ici à 2025. Pour cette opération, l’UE a ponctionné trente millions d’euros du budget total de 179 millions d’euros alloué en 2022 pour l’aide à la crise des réfugiés syriens au Liban. « Le problème de l’épuration de l’eau concerne toutes les personnes sur le sol libanais », justifie Alessia Squarcella, chef adjointe de coopération de la délégation de l’UE au Liban.
Parmi ces 11 stations, cinq se trouvent sur la côte – à Chabriha, Ghadir, Selaata, Chekka et Tripoli – et six dans les terres – Iaat, Joub Janine, Yohmor-Nabatiyé, Zaoutar el-Charqiyé, Kfarsir et Chariyé. Les stations côtières ne sont actives que de mai à octobre et ne filtrent que les solides (le stade dit primaire), tandis que les autres effectuent une épuration de l’eau à 90 % (le stade dit secondaire). Pour ce qui est du tertiaire, celui qui enlève toute trace de pollution dans l’eau, le Liban ne dispose pas des infrastructures nécessaires à cette opération, à l’exception de la station de Zahlé (Békaa).
Enfin, ce projet devrait également permettre un transfert de responsabilités entre les institutions publiques. En effet, selon une loi de 2002, le traitement des eaux usées devrait être une tâche supervisée par le ministère de l’Énergie. Beaucoup de stations d’épuration sont cependant sous le contrôle du Conseil de développement et de la reconstruction (CDR), un établissement public supervisant depuis les années 1990 les grands projets de l’État. « Le CDR a construit la plupart des stations, donc elles sont restées sous son contrôle. Aujourd’hui, cela ne fait plus sens », poursuit la déléguée.
D’autres projets d’aide sont en discussion à Bruxelles, mais l’UE est claire : les autorités libanaises reprendront les rênes dès que possible. « Nous ne voulons pas créer de dépendance. Nous soutenons l’État libanais, car la situation est exceptionnelle, mais nous n’allons pas nous substituer à lui, assure Alessia Squarcella. Cette opération a pour but de rendre le système de traitement de l’eau autosuffisant. »
Une position partagée par le ministre sortant de l’Environnement, Nasser Yassine. « Parallèlement à ce soutien, nous devrions redoubler d’efforts pour assurer la continuité de ce projet grâce à un système de recouvrement des dépenses tout en réduisant les coûts d’exploitation des usines de traitement des eaux usées, comme l’énergie solaire », a-t-il déclaré dans le communiqué de presse du projet publié le 5 juin dernier par l’Unicef.
La défaillance du traitement des eaux usées n’est en effet que la partie émergée de l’iceberg : d’autres réformes en parallèle étant indispensables. Les stations d’épuration dépendent de l’électricité produite par les générateurs, dont les tarifs ont explosé depuis la crise de 2019. « Avec l’augmentation des tarifs de l’électricité, notre budget ne pouvait pas couvrir l’ensemble du pays. Nous avons sélectionné les stations en concordance avec le ministère de l’Énergie sur base notamment de l’impact de la non-opérativité de ces stations sur la santé publique, l’environnement et l’économie du pays », déclare Alessia Squarcella. Il revient donc à l’État libanais d’investir plus, et mieux, dans le secteur énergétique.
L’épidémie de choléra survenue en octobre 2022 au Liban, et qui a officiellement pris fin en juin selon le ministère de la Santé, est la preuve la plus concrète du danger d’une absence d’assainissement de l’eau pour la population. Cette maladie, qui se transmet au contact et à l’ingestion d’eau et d’aliments contaminés par les matières fécales, a fait 23 morts sur les 8 000 suspicions de cas recensés.
En outre, lorsque le système s’effondre, le résultat le plus manifeste est illustré par les coupures d’eau, mais les conséquences imperceptibles sont tout aussi néfastes. Les foyers doivent recourir à des camions-citerne privés pour transporter l’eau. Cependant, ceux-ci n’étant pas légaux, bien que tolérés, échappent aux contrôles d’hygiène. Certains véhicules se déplacent à toit ouvert, en proie aux bactéries et à la pollution. Et cette eau impropre est beaucoup plus coûteuse que celle qui pourrait être fournie par l’État.
Enfin, les dangers sur la santé ne concernent pas seulement la consommation directe de l’eau. Les eaux usées sont rejetées dans les rivières qui servent à l’irrigation de l’agriculture.
Cet article est le fruit d’une collaboration entre La Délégation de l’UE Liban et le média L’Orient – Le Jour. Lien vers l’article original : https://www.lorientlejour.com/article/1345084/traitement-des-eaux-usees-lue-et-lunicef-mettent-les-mains-dans-le-marecage-libanais.html