Deux sœurs égyptiennes participent au programme Youth Led Cultural and Civic Initiatives (YLCCI) financé par l’Union européenne afin de sensibiliser le public à l’importance de préserver les anciens bâtiments du Caire et de chérir le patrimoine commun de la ville. Au moyen d’ateliers publics et d’expositions créatives, elles espèrent raviver l’intérêt du public pour la richesse de son environnement.
Lors de leur retour au Caire en 2018, après avoir étudié à Barcelone, Nadine et Nouran Sameh sont tombées sous le charme du « Mogammaa », un bâtiment administratif abandonné par ses anciens occupants qui avaient déménagé dans un quartier plus récent de la ville.
Représentatifs d’un concept qui les attirait beaucoup — l’imaginaire collectif urbain —, la singularité et le symbolisme du bâtiment les ont littéralement frappées. « Il symbolise un épicentre très bureaucratique, où tous ceux qui vivent ou viennent au Caire se sont rendus au moins une fois », expliquent les sœurs, notant que « parce qu’il donne sur la place Tahrir, il a également été le témoin de tant d’événements politiques au fil des ans. »
Secouer les esprits : une voie vers la conservation urbaine
Le duo a rédigé un article pour faire connaître son point de vue sur l’avenir de ce bâtiment notamment, et sur son puissant statut de réceptacle de l’imaginaire collectif.
Fortes de leurs études d’architecture et de conception urbaine, Nadine et Nouran ont voulu transformer leur idée en un projet plus concret. C’est ainsi qu’elles ont découvert Youth Led CuItural and Civic Initiatives (YLCCI), un programme financé par l’UE qui vise à encourager les projets communautaires et contextuels en utilisant des approches collaboratives.
Déployé dans des zones mal desservies de neuf pays du sud de la Méditerranée, dont l’Égypte, le programme YLCCI vise également à améliorer les connaissances et les capacités des jeunes artistes, des collectifs et des opérateurs culturels en matière de développement de travaux contextuels et d’engagement communautaire dans des activités culturelles et civiques.
« Nous voulions tirer la sonnette d’alarme et insister sur le fait que chaque Égyptien — et pas seulement les architectes — devrait se préoccuper de sa ville et de l’avenir de ses bâtiments », insiste Nadine, notant que l’article s’est transformé en un véritable projet créatif intitulé An Experiment in Collective Urban Imaginary.
Pour Nouran, ce projet était un moyen « d’entamer une réflexion commune autour de ce que nous partageons tous dans la ville, la création d’espace et l’occupation de l’espace. Toutes les possibilités auxquelles cela pourrait mener, sur le plan architectural, anthropologique, etc. »
L’interaction pour combattre l’indifférence
Les sœurs ont commencé par organiser des ateliers dans des bâtiments abandonnés, dans le but de « reconstruire une interaction entre les citoyens et leur espace urbain ».
« Pour nous, il était vraiment important que les gens fassent l’expérience de ces espaces, afin qu’ils réfléchissent activement à l’avenir de ces bâtiments et, pourquoi pas, qu’ils commencent à s’en soucier », soulignent-elles.
Au travers d’ateliers organisés pour le public, les jumelles ont exploré la co-imagination de l’espace dans la ville, en utilisant des langages visuels tels que les collages, qu’elles considèrent comme « le langage le plus compréhensible pour les personnes de tous horizons ».
Elles ont également travaillé à la création d’un archivage numérique de tous ces imaginaires. « Nous considérons ces archives comme un moyen très important de rappeler au monde la perception qu’ont les Cairotes de leur ville. De garder leur voix en vie et de continuer à inviter d’autres personnes à partager leur propre imaginaire. »
Elles estiment que le programme YLCCI a été « fondamental » pour les aider à poursuivre leur projet, en leur donnant la liberté d’exprimer leur parcours créatif.
« Parfois, nous doutions de certaines idées, mais après avoir discuté avec d’autres participants actifs dans des domaines similaires mais originaires de pays différents, nous retrouvions la confiance pour poursuivre notre projet », se souvient Nadine, soulignant qu’« il ne faut jamais laisser les moments de doute vous arrêter. Mais il faut aussi être conscient que les bénéfices ne seront pas toujours instantanés. »
« Personnellement, nous croyons sincèrement que l’architecture est une pratique pluridisciplinaire. Elle ne s’arrête pas une fois que l’on quitte les bancs de l’université : c’est un processus continu », conclut Nouran, avec un sourire complice.
All-Around Culture (AAC) est un programme collaboratif et interconnecté sur quatre ans dont le but est de promouvoir un écosystème culturel vibrant, en tant qu’environnement propice à l’inclusion sociale et économique des jeunes de sept pays de la région arabe. Le programme est cofinancé par l’UE dans le cadre du domaine « Partenariats internationaux » – Programme de soutien à la jeunesse et à la culture dans le voisinage méridional.
Les Initiatives culturelles et civiques menées par les jeunes sont l’une des cinq composantes du programme AAC et sont mises en œuvre par l’association tunisienne à but non lucratif l’Art Rue. Lancées en avril 2021, elles visent à améliorer l’accès à la culture et à amorcer un dialogue interculturel à travers le soutien à des projets artistiques collaboratifs et contextuels basés sur la communauté.
Pour ce faire, le projet encourage les initiatives culturelles et civiques menées par les jeunes par le biais de 32 subventions de recherche et de 24 subventions de production, ainsi que de laboratoires collaboratifs, de conseils personnalisés et d’opportunités de réseautage.