La réhabilitation du canal Awlad Mohamed à Fayoum fait partie d’un programme plus vaste baptisé Programme conjoint de développement rural (EU-JRDP) et financé à hauteur de 21,9 millions d’euros par l’Union européenne dans le cadre du Programme européen de voisinage pour l’agriculture et le développement rural (ENPARD). Ce Programme est mis en œuvre par le ministère italien des Affaires étrangères, de la Coopération et du Développement par le biais de l’ambassade d’Italie en Égypte, avec l’assistance technique de l’Agence italienne de coopération au développement (AICS). Il s’agit d’une initiative « régionale » mise en place dans 3 gouvernorats égyptiens, à savoir Matrouh, Minya et Fayoum. Il vise essentiellement à améliorer la qualité de vie des personnes vivant dans les régions rurales des trois gouvernorats ciblés en mettant l’accent sur la gestion durable des ressources territoriales.
Il y a trois ans, l’Union européenne a commencé à financer une initiative portant sur la réhabilitation du canal Awlad Mohamed à Fayoum, en Égypte. Le principal objectif de ce projet mis en œuvre par le gouvernement italien est d’améliorer l’efficacité de l’irrigation, la portion transversale du canal et ses réseaux connexes ayant été déformés en raison du manque d’entretien, entraînant ainsi des pertes d’eau. Depuis des décennies, les canaux étaient pollués par des ordures, engendrant ainsi des maladies pour des milliers de personnes et empêchant l’eau d’atteindre la plupart des terres, qui dépendent du canal pour l’irrigation. Le projet financé par l’UE à Fayoum a changé la vie des agriculteurs locaux en renforçant l’efficacité du système d’irrigation, en améliorant la qualité des terres et des cultures et en préservant l’environnement.
“ Nous souffrions avant ce projet… “
Shaimaa Youssef est femme au foyer. Derrière son niqab, ses yeux s’illuminent de joie, reflétant les changements intervenus dans sa vie depuis la réhabilitation du canal Awlad Mohamed en 2016. « Avant ce projet, nous devions supporter les tonnes d’ordures qui étaient jetées dans le canal. Nous n’avions pas d’autre choix. Étant donné que le camion qui collectait les déchets ne passait pas régulièrement, de nombreuses personnes brûlaient leurs ordures ou les jetaient dans le canal pour s’en débarrasser ».
Shaimaa emmenait régulièrement chez le médecin son fils Ali, âgé de 8 ans, car il souffrait d’une allergie respiratoire provoquée par l’inhalation fréquente des fumées dégagées par les ordures incinérées au bord du canal. Grâce à la mise en œuvre du projet de réhabilitation, Ali va désormais beaucoup mieux puisque les ordures ne sont plus brûlées dans la zone.
Shaimaa fait partie des 2 151 agriculteurs qui ont bénéficié du projet « Réhabilitation et amélioration des infrastructures d’irrigation à Fayoum ». Elwi, un village du district d’Etsa où elle vit, situé à 116 kilomètres du Caire, est l’un des quatre villages traversés par le canal Awlad Mohammed. Avec le canal Biahmu, dans le district voisin de Senours, le canal Awlad Mohammed fait partie des deux canaux couverts par le projet financé par l’UE. Le canal principal et ses sous-sections s’étendent au total sur 85 kilomètres.
Campagnes de sensibilisation
Les campagnes de sensibilisation se sont avérées essentielles pour améliorer la situation. Des efforts importants ont été déployés pour convaincre la population d’arrêter de jeter des ordures dans le canal. Madiha, l’un des responsables du projet, a rendu visite aux villageois pour leur parler des inconvénients et des dangers liés au déversement des ordures ménagères dans le canal.
Shaimaa se rappelle comment les habitants ont commencé à se familiariser avec le projet de réhabilitation. « Nous avons commencé à nous inquiéter de cette situation quand Madiha nous a dit que des études scientifiques prouvaient que l’exposition des enfants aux fumées d’ordures pouvait entraîner des problèmes de santé et affecter leur développement cérébral en provoquant des infections et un retard mental », ajoute-t-elle
Des campagnes d’information ont été menées dans les mosquées du district dans le cadre de la prière du vendredi et en coopération avec les imams locaux, ainsi qu’à l’occasion des prières de Taraweeh pendant le mois saint du Ramadan. Des campagnes ont également été menées dans des écoles et les agents impliqués dans la mise en œuvre de l’initiative ont rencontré 1 000 élèves âgés de 9 à 15 ans. Selon les responsables du projet, ces programmes de sensibilisation, qui visaient au départ 500 villageois, ont en définitive permis d’atteindre quelque 3 700 personnes.
Durant la campagne de sensibilisation, la plupart des villageois se sont renseignés sur les méthodes alternatives permettant de se débarrasser des ordures. Les experts leur ont ainsi expliqué que la solution au problème de l’élimination des ordures passe d’abord par le tri des déchets dans les maisons et par la vente de certaines parties comme source de revenu supplémentaire pour les familles.
Augmenter ses revenus en revendant les ordures
Dans le foyer de Shaimaa, les sacs de bouteilles en plastique vides et d’autres remplis de papier s’amoncellent. En attendant le passage des acheteurs de matériaux de récupération, elle explique que ce projet lui a permis d’augmenter ses revenus grâce à la vente de déchets. Un kilo de verre peut en effet rapporter 2 livres égyptiennes, un kilo de boîtes métalliques 8 à 12 livres et un kilo de carton entre 1,5 et 2 livres. Elle ajoute que les villageoises échangent également des bouteilles vides et du plastique récupéré des déchets ménagers contre des produits à base de savon.
Shaimaa raconte en riant que son fils, qui avait l’habitude d’aller nager dans le canal, l’appelle désormais la « piscine ». Avant le projet, il était exposé avec ses amis à la boue, aux herbes et aux ordures, notamment aux morceaux de verre qui les blessaient.
Le projet financé par l’UE apporte également des solutions durables au problème des ordures en finançant 15 jeunes entrepreneurs des villages, dont la moitié sont des femmes. Tous les entrepreneurs sélectionnés ont proposé des solutions concernant des investissements dans le domaine de la gestion des déchets solides et agricoles, telles que des tricycles pour le ramassage des ordures, une machine pour compresser les déchets agricoles et d’autres projets similaires permettant à leur promoteur de sortir de la pauvreté et de créer quatre à cinq emplois.
Réhabilitation technique
Une fois le problème du déversement des ordures dans le canal résolu, un canal alternatif a été créé afin de détourner l’eau et de maintenir l’approvisionnement en eau d’irrigation pour les terres. Le canal principal a ensuite été débarrassé des déchets et des couches de pierres recouvertes de ciment ont été ajoutées au fond et sur les berges pour garantir que le canal ait la même largeur partout. Une fois cette opération achevée, l’eau a de nouveau été détournée vers le canal principal et le canal alternatif a été remblayé.
En août 2019, près de 80 % de la réhabilitation du canal principal avait été achevée. Le reste devrait être finalisé d’ici mars 2020 afin de couvrir l’ensemble des 3 942 feddans concernés par le projet (un feddan représente 0,42 hectare).
Augmentation du rendement des cultures agricoles
Le principal impact de la réhabilitation du canal Awlad Mohamed a été l’amélioration de l’irrigation des terres agricoles. « Pendant longtemps, nous avons été confrontés au mauvais état du canal, dû à la négligence et à l’accumulation des déchets. Nous avons à maintes reprises tenté de déposer des plaintes et de formuler des demandes pour que ce problème soit résolu, mais en vain », explique Abu Bakr Hassan Minshawi, président de l’Association des usagers de l’eau du canal Awlad Mohammed.
Un tiers des terres bordant le canal Awlad Mohamed n’étaient pas irriguées de manière appropriée, une grande quantité d’eau étant perdue du fait de la portion déformée du canal et de l’accumulation des ordures ménagères, des déchets et des herbes. Néanmoins, la situation a radicalement changé dans les régions qui ont bénéficié du projet financé par l’UE.À la suite de la mise en œuvre de ce projet, la disponibilité de l’eau a augmenté et la durée de l’irrigation par agriculteur desservi a diminué de moitié.
En outre, le temps nécessaire pour que l’eau s’écoule du début du canal au dernier acre de terre agricole a pu être réduit jusqu’à 75 %.Au cours de l’entretien, Abu Bakr reçoit de bonnes nouvelles. Un agriculteur travaillant sur ses terres vient de l’appeler pour lui annoncer qu’il avait commencé la récolte et remarqué que les quantités avaient augmenté d’un tiers pour le maïs et de 20 % pour le blé. « Nous devons ce bon résultat uniquement au projet. Nous pouvons désormais cultiver la terre non seulement en été, mais également en hiver, au lieu d’une saison auparavant », déclare-t-il.
En outre, pour les agriculteurs, les avantages se traduisent non seulement en termes d’augmentation du rendement des cultures, mais aussi de réduction des coûts d’exploitation agricole. Par exemple, avant la mise en œuvre de ce projet, ces derniers devaient utiliser des pompes à eau pour pallier le manque d’eau et dépenser des sommes considérables pour couvrir les coûts de ces pompes, notamment en termes de carburant et de main-d’œuvre.
Réduction des coûts
À l’issue du processus de revêtement du canal, la superficie de terres jouxtant le canal a été augmentée. La largeur des meskas (très petits canaux) varie d’un mètre à 50 centimètres (contre 4 mètres pour les canaux réguliers).
« L’augmentation de cette superficie facilite le transport des produits agricoles en une seule fois dans de gros véhicules, alors qu’auparavant plusieurs allers-retours en tricycles ou à dos d’ânes étaient nécessaires. Cela pourrait aider les agriculteurs à faire des économies sur leur budget de transport. Les canaux étant désormais réhabilités, les associations d’usagers de l’eau prévoient d’acheter une petite drague, dont le coût sera partagé entre tous les agriculteurs intéressés et qui sera utilisée pour réaliser l’entretien pour le compte du ministère de l’Irrigation », explique Abu Bakr.
Pérennité des résultats
Pour assurer la pérennité des résultats obtenus dans le cadre du projet, l’Association des usagers de l’eau du canal Awlad Mohammed envisage de percevoir une redevance annuelle auprès de chaque agriculteur pour gérer le nettoyage des meskas et veiller à ce que les agriculteurs respectent les règles de gestion de l’eau. Le président de l’association explique que des amendes seront infligées à ceux qui déverseront des résidus dans le canal. Abu Bakr souhaite que le projet continue d’inclure toutes les terres surplombant le canal Awlad Mohammed, d’autant que les personnes résidant dans les zones couvertes par ce projet ressentent ses effets positifs sur leur vie.Le changement positif engendré dans la vie des agriculteurs à Fayoum est le résultat d’un des nombreux projets financés par l’Union européenne en Égypte.
Le budget de l’UE consacré à l’aide à la coopération en Égypte s’élève actuellement à 1,4 milliard d’euros versés sous forme de subventions. L’UE est ainsi le premier bailleur de fonds du pays, dont la population est particulièrement touchée par la pauvreté (32,5 % de la population égyptienne vit en dessous du seuil de pauvreté selon les dernières statistiques officielles).
Jusqu’à présent, 2 151 agriculteurs ont directement bénéficié du projet. Si la phase de mise en œuvre a nécessité des investissements et des efforts considérables, le principal défi reste de parvenir à un changement concret et durable des mentalités, seule garantie effective de la pérennité des résultats du projet. Les effets se feront ainsi sentir dans les villages environnants et le succès du projet « Réhabilitation et amélioration des infrastructures d’irrigation à Fayoum » augmentera de façon constante.
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