INDAR : Un système marocain intelligent de prédiction et d’alerte précoce des inondations

Septembre 19, 2019
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Contribuer à la résilience du Maroc contre les inondations est un objectif que s’est fixé Mohamed Tabyaoui, expert marocain en gestion des risques naturels, quand il a mis en place « INDAR », un système intelligent de prédiction et d’alerte précoce des inondations. L’idée du quinquagénaire marocain n’a pas manqué d’intéresser les responsables du programme Diafrikinvest -financé à 90% par l’Union européenne- qui ont décidé de le soutenir et de l’accompagner.

L’intérêt porté par Mohamed aux risques naturels remonte à 2008, quand il a été nommé membre d’une cellule gouvernementale chargée de coordination avec la Banque Mondiale en matière de gestion des risques naturels. Pendant cinq ans, la cellule s’est penchée sur le développement et la mise en place d’une stratégie nationale intégrée dans le domaine. “Notre sphère d’intervention couvrait cinq risques : Les inondations, les tsunamis, les tremblements de terre, les glissements de terrains et les sécheresses” précise Mohamed.

Quelques années plus tard, Mohamed quittera la cellule mais l’idée d’abandonner un domaine qui désormais le tenait à cœur lui semblait inimaginable. “Je me demandais: dois-je mettre de côté tout ce que j’ai appris ou capitaliser sur mon expérience et savoir-faire pour contribuer à produire quelque chose d’utile pour mon pays?”.

La réponse à cette question se précisera en 2014 lorsque des inondations frapperont la ville de Guelmim, dans le sud du pays, faisant 47 morts et près de 530 millions d’euros de pertes, selon la Banque mondiale. “Ce fut l’une des pires inondations que le pays ait connues au cours des 20 dernières années. Si nous disposions d’un système intelligent d’alerte précoce, l’ampleur des pertes aurait été moins importante”, estime-t-il avec beaucoup de regret.

Mohamed admet que le Maroc a réalisé depuis le temps des avancées considérables dans le domaine de la gestion des risques en termes d’infrastructures et de solutions acquises. Toutefois pour passer à la vitesse supérieure dans ce domaine les départements responsables doivent s’ouvrir sur l’innovationL’implication des start-ups marocaines dans la lutte contre les risques naturels donnera au Maroc, selon Mohamed l’avantage de leur agilité à développer une technologie de pointe locale à coût bas et qui, de surcroît, pourrait s’exporter en Afrique et dans le monde.

C’est dans cet esprit qu’il a fondé la start-up “PREV DEV avec comme objectif le développement de solutions intelligentes pour alerter de façon très précoce les inondations. Se basant sur une expérience de terrain, mais aussi sur une formation solide en management des systèmes d’information acquise à l’Université Carnegie Mellon de Pittsburgh, Pennsylvanie (1979), et à la University of Washington à Seattle (2007), Mohamed s’est attelé avec ses équipes, et l’aide de l’Agence du bassin du Bouregreg et de la Chaouia ainsi que le soutien de la coopération suisse, sur le développement de la première version d’un système qu’il a baptisé «INDAR» (Alerte en langue arabe).

INDAR : Mode d’emploi

Pour Mohamed, “Dans le domaine de la gestion des risques, chaque seconde a sa valeur. Le fonctionnement d’INDAR devait donc impérativement se focaliser sur la prédiction et l’alerte précoce pour réduire l’impact des catastrophes sur la population, les infrastructures et l’activité économique”.

Grâce à ses algorithmes, INDAR procède de façon automatique à l’évaluation des situations hydro-pluviométriques dans une zone menacée. Si le risque d’inondations est imminent, il émet de façon anticipée et automatique des alertes 48h avant l’occurrence de la crise.

L’avantage “est que INDAR offre aux responsables de la gestion des risques suffisamment de temps pour pouvoir intervenir de manière préventive pour évacuer la population menacée ou protéger des infrastructures sensibles”.

Et pour que ces responsables se fassent une image précise de ce qui pourrait se produire sur le terrain “INDAR permet de visualiser en 2D et 3D et avec une géolocalisation précise, les infrastructures stratégiques menacées par les inondations tels que les chemins de fer, les routes, les zones industrielles, etc.” ajoute Mohamed.

“INDAR” peut également générer un bulletin d’alerte et le dispatcher auprès des personnes et organismes autorisés. “Cela facilite le travail collaboratif qu’exige l’action de lutte contre les inondations tout en évitant la distorsion de l’information”, affirme Mohamed.

L’un des plus grand avantage d’INDAR est la mobilité que procure une application téléchargeable sur le téléphone. “Au Maroc, le suivi technologique des risques se fait généralement depuis un bureau, mais grâce à INDAR, les responsables peuvent, à n’importe quels lieu et moment, évaluer la situation et dispatcher les instructions”, explique Mohamed.

INDAR a montré son efficacité lors des tests avec des datas virtuelles. Reste maintenant à réussir des tests dans les conditions réelles pour que Mohamed et PREV DEV puissent convaincre les responsables de l’indispensabilité de leur système intelligent de prédiction et d’alerte précoce.

Plaidoyer en faveur d’INDAR

Dans une étude publiée en 2016, la Banque Mondiale affirme que “le risque des catastrophes naturelles au Maroc, y compris des inondations, présente un caractère à la fois chronique et sévère”. La Banque estime les pertes annuelles moyennes dues aux catastrophes naturelles au Maroc entre 2000 et 2013 à au moins 7,8 milliards de dirhams (715 millions d’euros), dont environ 60% à cause des inondations.

Outre les inondations qui ont frappé la ville de Guelmim en 2014, le Maroc compte plus de 250 points noirs menacés par les inondations, “d’où la nécessité de déployer un système comme INDAR dans les zones à risque”, estime Mohamed.

Ses préoccupations sont confortées par un rapport publié en 2018 par l’UNISDR (Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques des catastrophes). Il y est indiqué que les 20 dernières années ont été marquées par une augmentation spectaculaire de 151% des pertes économiques directes résultantes de catastrophes liées au climat.

Par ailleurs, le rapport prédit une vulnérabilité extrême de 42% des zones côtières marocaines face aux inondations et aux érosions à l’horizon de 2030. Ces zones abriteront la majorité de la population (24 millions), la plupart des grandes villes et les infrastructures économiques les plus importantes. Résultat : plus de pertes et dégâts sont envisageables si on n’accélère pas la cadence de mise en place des dispositifs de prévention contre ces fléaux.

La Banque mondiale conclut de son côté que l’aggravation de la situation suite aux inondations affectera principalement les Marocains à faible revenu et entravera les efforts de lutte contre la pauvreté, avertissant le gouvernement d’un mécontentement des Marocains face à l’incapacité de réduire les risques, qui pourrait rapidement conduire à des troubles sociaux.

Pour remédier à cette situation, Mohamed pense qu’il “faut mettre les nouvelles technologies au centre d’une politique intégrée en matière de gestions des risques et de résiliences liées aux inondations”.

L’apport de l’Union européenne

Le nerf de l’innovation est l’argent”, explique Mohamed. L’idée du système INDAR a beau paraitre séduisante sur le papier, elle n’aurait jamais pu voir le jour sans l’accompagnement financier de l’Union européenne.

En effet, PREV DEV a bénéficié d’une subvention de 20 mille euros qui a servi “à renforcer la solution d’INDAR en complétant les parties manquantes, à payer les salaires du personnel, à tester le prototype et à acheter les data nécessaires aux tests”, affirme Mohamed.

L’accompagnement de la startup PREV DEV se fait, à l’instar d’autres startups marocaines, à travers deux programmes européens : Diafrikinvest et The Next Society, qui opèrent en collaboration avec le programme marocain d’accélération « StartUp Maroc Booster » géré par l’association à but non lucratif StartUp Maroc. Cette association est l’une des instances d’incubation et d’accompagnement accréditée et labélisée par la CCG (Caisse Centrale de la Garantie) chargée par le gouvernement marocain de stimuler l’initiative privée et encourager l’innovation.

L’apport financier de l’Union européenne, via Diafrikinvest et The Next Society, dépasse les 12 millions d’euros sur quatre années (2017-2021). Un montant important géré par le bras financier de la CCG qui porte le nom d’Innov’Invest.

Diafrikinvest est financé par l’UE à hauteur de 90% pour un montant de 2,2 millions d’euros, et ce dans le cadre du Dialogue Euro-Africain sur la migration et le développement (Processus de Rabat). Il est géré par Anima Investment Network qui fait appel à StartUp Maroc pour la mise en œuvre de certaines de ses actions.

Le programme The Next Society, quant à lui, est soutenu par la Commission européenne et géré par StartUp Maroc. Il regroupe aujourd’hui plus de 300 organisations d’affaires, d’innovation, de recherche et d’investissement, 2500 PME et entrepreneurs venant de 30 pays de la Méditerranée. L’ambition du programme The Next Society est de “lever les obstacles à l’innovation et déclencher le potentiel créatif des innovateurs”, “renforcer les écosystèmes d’innovation et favoriser la création de valeur ajoutée” ainsi que de “faire avancer des solutions concrètes.

Outre les programmes Diafrikinvest et The Next Society, les Très Petites Petites et Moyennes Entreprises (TPE-PME) marocaines comme PREVDEV, peuvent bénéficier d’autres subventions de l’Union Européenne, en l’occurrence celles octroyées dans le cadre de son programme d’appui à la compétitivité et à la croissance verte. Signé en novembre 2016 avec le gouvernement marocain, ce programme est doté de 105 millions d’Euros et mis en place en coopération avec la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), Maroc PME et la Coopération Technique allemande (GIZ).

En outre, l’UE finance le programme “Small Business” de conseil et de financement aux PME (mis en œuvre par la BERDBanque Européenne pour la Reconstruction et le Développement) et contribue aux programmes dédiés à l’efficacité énergétique des industries (MORSEFF, MedTest (Switchmed).

L’UE estime que, grâce à tous ces programmes de soutien locaux et internationaux, les TPE-PME et les innovateurs des pays émergents, y compris le Maroc, peuvent créer de la valeur ajoutée, contribuer à résoudre les problèmes contemporains et inspirer le reste du monde.

 

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