À Salé, sur la rive nord du fleuve Bouregreg qui la sépare de Rabat, le jeune réalisateur Hatim Jarir a entrepris de redonner vie à sa chère ville natale. Sa passion pour le cinéma et son attachement profond à Salé l’ont poussé à fonder un projet transformateur qu’il a baptisé Sala Doc. Cette initiative a renforcé son impact et est promise à un avenir durable grâce au soutien du projet Safir financé par l’UE.
L’essence et l’impact d’une initiative transformatrice
En 2020, en pleine pandémie mondiale, Hatim Jarir est retourné à Salé après avoir voyagé pendant des années pour réaliser ses rêves de cinéaste. En explorant la ville de ses racines, il n’a pu que constater l’absence de paysage culturel dynamique. La vie artistique s’était éteinte, laissant les jeunes sans possibilité d’expression et d’épanouissement. « Salé est une ville magnifique dont la culture et l’histoire sont si riches, mais elle est éclipsée par Rabat. En fait, elle en est si proche qu’elle est considérée comme une banlieue », explique Hatim. Et d’ajouter : « Cette ville historique n’a pas vraiment de vie culturelle et artistique. »
Ce sont ces constats qui sont à l’origine de Sala Doc, un programme annuel de formation à l’écriture et à la réalisation de courts-métrages documentaires sur Salé et ses habitants. Le projet vise à stimuler le développement d’une culture du cinéma documentaire parmi les jeunes, tout en leur permettant de partager leurs points de vue uniques sur cette ville qu’ils considèrent comme la leur. Ayant lancé son projet grâce à une opportunité à Salé, Hatim s’est dit que d’autres jeunes ayant du potentiel devraient avoir la même chance.
Tous les ans, au mois d’août, Sala Doc ouvre ses portes à des réalisateurs en herbe en lançant un appel à candidatures. Les candidats sélectionnés suivent une formation sur l’esthétique, les techniques d’écriture et les aspects techniques du cinéma documentaire, qui aboutit à la réalisation de leur propre court-métrage documentaire. Hatim et son équipe proposent également un accompagnement individuel, un mentor étant assigné à chaque cinéaste en herbe. En outre, un réalisateur professionnel donne son avis en permanence, ce qui aide les participants à créer leurs histoires uniques. Après des mois d’efforts, ce programme annuel, qui en est à sa troisième édition, s’achève par la projection au public des courts-métrages produits par les participants.
Les lauréats du concours Sala Doc participent automatiquement au célèbre Festival international du film documentaire d’Agadir (FIDADOC), le premier événement cinématographique marocain consacré exclusivement aux films documentaires. Le simple fait d’y assister leur permet de rencontrer les plus grands réalisateurs du cinéma documentaire. Cette expérience leur ouvre des portes pour l’évolution de leur carrière cinématographique. « Même s’ils ne remportent aucune récompense, nos jeunes ont une occasion unique d’établir des contacts et de s’affirmer en tant que réalisateurs grâce à cet événement », souligne Hatim.
« Le fait de rencontrer des professionnels et d’autres réalisateurs amateurs, de visionner ensemble des documentaires et d’écouter des idées constitue une première étape importante pour la réalisation d’un premier documentaire. Sala Doc m’a offert cette possibilité ! », déclare Imrane Rahani, lauréat de la troisième édition de Sala Doc.
Avec son projet Sala Doc, Hatim a fait partie des 1 000 jeunes de la région soutenus par Safir pour contribuer à la réalisation des objectifs de développement durable et susciter de véritables changements. Il a bénéficié d’ateliers de formation et de soutien dispensés par un réseau d’incubateurs locaux compétents tout au long de l’année dernière. Cette assistance lui a permis d’acquérir les compétences nécessaires pour que son projet ait des retombées positives sur sa communauté. Grâce au travail de Sala Doc, Salé s’est transformée en une ville qui célèbre son patrimoine culturel, nourrit l’esprit créatif de ses jeunes et met en lumière les histoires qui ont longtemps été ignorées.
Capter l’âme de Salé à travers les documentaires
L’équipe de Sala Doc établit un lien entre les films qu’elle soutient et la ville de Salé. Chaque documentaire est construit autour des images de la vie de la ville, de ses paysages et de son histoire. Hatim souligne que les histoires peuvent être diverses, l’essentiel étant qu’elles aient un lien significatif avec Salé, que ce soit à travers des récits personnels, une histoire familiale ou l’histoire de lieux spécifiques.
En outre, Sala Doc promeut la diversité et l’inclusion. Le fait qu’une personne soit née à Salé, qu’elle ait des liens ancestraux avec la ville ou qu’elle y réside tout simplement n’a pas d’importance ; ce qui compte réellement, c’est son attachement à Salé et son talent. Hatim cite l’exemple d’un participant originaire du sud du Maroc qui ne vivait à Salé que depuis un an. Malgré son arrivée relativement récente dans la ville, il a réalisé un documentaire captivant intitulé « La mémoire de l’eau ». Ce film consacré aux fontaines publiques de la médina de Salé explore leur beauté et leur importance historique. Il s’agit d’un hommage à sa ville d’adoption.
C’est ce que fait Sala Doc en s’appuyant sur des courts-métrages documentaires pour faire découvrir l’histoire et le riche patrimoine culturel de Salé à travers la vie de ses habitants et l’essence de ses lieux. Sala Doc insuffle chez les jeunes un sentiment de fierté et leur fait prendre conscience de la beauté de leur patrimoine.
Ciné-Madrassa : accompagnement et éducation cinématographique pour les jeunes
Pour élargir l’éventail des bénéficiaires, le projet a lancé un programme innovant baptisé Ciné-Madrassa, qui repose sur des ateliers conçus pour les collégiens. Les élèves participent à des ateliers adaptés à leur âge et assistent à des projections de films, ce qui leur permet de découvrir l’univers des documentaires et la culture cinématographique.
Les ateliers de Ciné-Madrassa sont animés par les lauréats du concours Sala Doc. Ces jeunes talents partagent leurs connaissances et leur expertise et présentent leurs propres films aux enfants. Les participants à Sala Doc ont ainsi la possibilité de gagner leur vie pour pouvoir s’épanouir dans leur ville, tout en acquérant des compétences utiles pour leur carrière cinématographique. Ce cercle vertueux d’accompagnement et de croissance permet non seulement d’autonomiser la jeune génération, mais également de créer une voie durable pour que leurs aînés puissent faire évoluer leur carrière au sein de leur communauté.
Hatim a de grandes ambitions pour Ciné-Madrassa. À l’approche de la nouvelle année scolaire, le projet vise à atteindre au moins 400 élèves. L’objectif est de créer un espace dynamique, un sanctuaire qui permettrait de passer le flambeau du cinéma documentaire, ouvrant ainsi la voie aux générations futures de conteurs et de citoyens actifs.
Élargir les horizons : la vision de Sala Doc pour la pérennité et l’expansion
Hatim envisage également d’étendre le projet Sala Doc à d’autres villes de la région, conscient des retombées qu’il pourrait avoir pour les communautés privées d’espaces culturels. « Grâce à SAFIR, j’ai rencontré énormément de personnes originaires de la région ayant des idées et des projets similaires, et nous avons instauré des collaborations », explique Hatim. Il a notamment participé au Forum Safir de l’entrepreneuriat social. Ce forum, qui s’est tenu à Casablanca, a réuni plus de 200 participants dont le projet entrepreneurial, médiatique ou associatif est soutenu par Safir.
Hatim insiste sur l’importance d’un soutien structuré. Le projet Safir de l’Union européenne a joué un rôle déterminant dans ce domaine. Hatim a pu bénéficier de ressources et de conseils précieux qui lui ont permis de transformer Sala Doc en association et d’étendre sa portée. Le programme d’incubation de six mois l’a aidé à mieux gérer son projet, à améliorer son organisation interne et à agrandir son équipe. Grâce au soutien de Safir, Sala Doc est devenu un moteur de changement encore plus vital.
Le projet
Safir est un projet financé par l’UE axé sur la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) et la promotion de l’inclusion socio-économique des jeunes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. En fournissant des ressources et des financements, le projet permet aux jeunes de contribuer activement aux ODD et de devenir des acteurs du changement. Safir propose des formations et offre des possibilités de plaidoyer, de travail en réseau et de participation aux processus de prise de décision par l’intermédiaire d’ateliers d’initiation et d’accompagnement, d’incubateurs locaux et d’organisations de la société civile. Le projet soutient 20 organisations de la société civile, a créé 18 espaces innovants dans des établissements d’enseignement supérieur et des instituts de recherche, a mis en relation 7 incubateurs locaux et a accompagné 1 000 jeunes porteurs de projets originaires de 9 pays de la région.