« On dit que c’est à cause du climat mais je pense que les cœurs des gens y sont aussi pour quelque chose.» C’est ainsi, en toute spontanéité et dans sa langue amazighe natale « le tachelhit », que Fadma Tamansourt parle de l’impact du changement climatique et de la raréfaction de l’eau, avant de partir d’un rire timide. Elle se présente comme la présidente de la coopérative d’Aguinane, invite les touristes à venir visiter l’oasis et leur demande de faire attention à la propreté de cet espace vulnérable et à rationaliser l’utilisation de l’eau.
Fadma est née et a grandi à Aguinane, une oasis nichée dans un canyon au centre de la chaîne de l’Anti Atlas du Maroc, à plus de 800 KM au sud de la capitale, Rabat. Il y a encore quelques années, les habitants de l’oasis vivaient grâce à l’agriculture, l’élevage et le commerce des dattes. Les précipitations plus ou moins régulières, une rivière qui traverse l’oasis ainsi que les différentes sources d’eau ont joué un rôle central dans l’équilibre socioéconomique des villages. Le rôle des femmes pour le maintien de cet équilibre, comme partout ailleurs au Maroc, a toujours été aussi discret qu’efficace. En main d’œuvre agricole, elles cultivent et aident au maintien des différents vergers. Elles puisent et transportent l’eau vers les foyers. Elles participent à la production des quelques produits du terroir destinés aux marchés hebdomadaires et tiennent les foyers avec les tâches domestiques et les soins nécessaires pour les enfants.
La multiplication de vagues de chaleur et les années de sécheresse prolongée ont mis le Maroc au premier plan du changement climatique. Cet impact est d’autant plus important qu’il affecte les zones rurales où le stress hydrique est en train de pousser la population à chercher d’autres solutions pour subsister. Si la crise sanitaire du COVID a touché de façon disproportionnée les femmes rurales, les effets du changement climatique dans certaines régions, comme les oasis, les mettent dans une situation de vulnérabilité encore plus inquiétante. Leurs sources de revenus s’amenuisent et elles sont impuissantes devant les vagues de migration de leurs enfants qui quittent villages et oasis vers d’autres régions ou vers l’Europe à la recherche d’une vie meilleure.
Depuis mai 2021, deux oasis du Maroc, dont celle d’Aguinane sont au centre d’un projet de promotion de la gestion intégrée des ressources en eau. Il est mis en œuvre par l’Association des enseignants des sciences de la vie et de la terre et financé par l’Union européenne. D’une durée de 3 ans, le projet vise particulièrement les femmes et les jeunes et a pour ambition de mettre en œuvre un modèle dont les enseignements pourront être répliqués dans d’autres régions. Fadma Tamansourt en est actuellement bénéficiaire. Avec d’autres femmes, elle est accompagnée pour structurer son travail autour de deux thématiques importantes: la création d’activités génératrices de revenus et la valorisation des déchets. Une coopérative de femmes rurales a été créée et les femmes y apprennent à valoriser les produits qu’elles produisent: les dattes, le café à base de noyaux de dattes, le henné, le pain, des plantes médicinales dont regorgent la région, ainsi que d’autres spécialités de l’Anti Atlas. Grâce à ces initiatives, Fadma et ses voisines souhaitent garder ou faire revenir les jeunes qui pourront profiter de ces opportunités d’entrepreneuriat dans le domaine du tourisme équitable et rural, le transport et d’autres activités économiques qui n’existent pas ou plus dans l’oasis.
Si les oasis ont été un espace d’équilibre fragile, qui s’est maintenu pendant des millénaires grâce à une remarquable conjugaison entre génie agronomique de l’homme et rares ressources de la nature, le changement climatique et les mutations socioéconomiques appellent à de nouvelles solutions que le projet essaie d’apporter en associant activement les habitants et notamment les jeunes. Ces activités complètent également les nombreux programmes et projets de l’Union européenne et de ses Etats membres pour accompagner le Maroc vers la transition écologique et dont l’évènement majeur a été le lancement, fin juin, de l’initiative d’un partenariat vert Maroc UE.
« Partenariat vert »: une initiative Maroc-UE
Suite à la réflexion menée sur l’avenir des relations Maroc-Union européenne, lors de la retraite de Skhirat, et sur la lancée de la Déclaration Politique Conjointe instituant le « Partenariat euro-marocain de prospérité partagée », adoptée en juin 2019 par le Conseil d’Association UE-Maroc, qui a identifié comme axe prioritaire la coopération en matière d’énergie, de lutte contre le réchauffement climatique, de protection de l’environnement et de promotion de l’économie verte, le Royaume du Maroc et l’Union européenne ont convenu de construire ensemble un Partenariat vert. Cette collaboration sur le Partenariat vert traduit une forte convergence politique entre les deux parties au regard des questions liées à l’environnement, le climat et le développement durable. Elle pourra s’appuyer d’une part sur les ambitions du Pacte vert pour l’Europe, lancé en décembre 2019, et d’autre part sur la Stratégie Nationale de Développement Durable adoptée en juin 2017, le Nouveau Modèle de Développement qui vient d’être présenté, les avancées importantes et les efforts constants du Maroc en matière d’énergie, de changement climatique, d’environnement et d’économie verte, ainsi que son engagement volontariste en faveur d’une coopération triangulaire et Sud-Sud dans ces domaines.