Comment Georges al-Jammal est devenu le « roi des fraises »

Juin 4, 2018
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Aux confins du Liban-Nord dans le caza du Akkar, à la frontière avec la Syrie, se trouve le petit village de Tel-Abbas-Ouest, noyé dans un océan de verdure. Tôt ce matin, Georges al-Jammal, accompagné d’une cinquantaine d’ouvriers, se trouve dans les champs pour cueillir des fraises. Dans un festival de couleur et de bonne humeur, enfants, vieillards, hommes et femmes plongent tous dans les sillons plantés de fraisiers à perte de vue, choisissant les fruits mûrs, d’un rouge sang. Au fil des heures, les paniers et les caisses se remplissent petit-à-petit. A côté, sur un autre champ entouré d’oliviers, d’autres ouvriers agricoles ramassent des pommes de terre, sous le regard attentif de Georges.  

La quarantaine, célibataire, Georges al-Jammal est aujourd’hui un homme comblé : il a réussi son pari. Son travail s’est développé rapidement grâce à un prêt de 50.000 US$ (41,345 euros) du « European Social Fund » (ESF) sous la supervision du « Economic and Social Fund for Development » (ESDF).

Il y a à peine deux ans, Georges cultivait fruits et légumes sous quatre serres seulement construites sur les 80.000 m2 de terre qu’il a héritée de son père. Il gagnait sa vie. Pas plus.

Le projet financé par l’ESDF lui a ainsi permis d’agrandir ses activités. Il a construit vingt autres serres sous lesquelles il a planté également des pommes de terre, des oignons, des haricots, des courgettes, des fèves et des melons.

Toutefois, c’est surtout pour ses fraises que Georges al-Jammal est connu. Sur le marché des fruits et légumes à Tripoli, on le surnomme « le roi des fraises », à cause notamment de la qualité de ses fraises bio. En effet, il n’utilise pas d’engrais chimiques ni d’hormones.

« Les commerçants exigent d’acheter les produits al-Jammal. Ils recherchent une valeur sûre. Et malgré la concurrence, surtout concernant les prix de la part de ceux qui ne plantent pas bio, nous avons su fonder une réputation sans partage », explique Georges.

Son honnêteté, sa sincérité, son travail sérieux et assidu, et surtout son ambition de progresser, de faire de son mieux pour évoluer, lui ont valu une notoriété sur le marché et un renom de la part de l’ESDF. 

Abdallah Ishac est responsable des projets de l’ESDF au Akkar. « L’UE finance de petits et moyens projets économiques, commerciaux ou agricoles, pour les lancer ou les développer. Notre rôle n’est pas uniquement d’octroyer des prêts avec des taux d’intérêts bas pour ceux qui en ont besoin. En plus, nous fournissons à ces investisseurs notre expertise et notre conseil pour faire une étude du marché et de faisabilité du projet, afin d’organiser leur entreprise et s’assurer que l’argent est bel et bien utilisé pour des raisons commerciales et non personnelles.», explique-t-il.

En effet, le but de l’ESDF est de soutenir de jeunes investisseurs sérieux afin de développer et de pérenniser leur entreprise. Un projet réussi sera non seulement bénéfique pour son propriétaire, mais aussi pour tous ceux qui travailleront avec lui, créant ainsi des opportunités d’emplois dans la région où il se trouve. « Georges a fait bénéficier de sa réussite son village ainsi que des dizaines de familles de réfugiés syriens qui travaillent pour lui », explique M. Ishac.

« J’ai commencé avec deux ouvriers agricoles. Aujourd’hui, pendant les récoltes, je fais travailler plus de 60 ouvriers quotidiennement », explique Georges al-Jammal. Le fermier akkariote a, en temps normal, entre 15 et 20 ouvriers, en majorité des Syriens. Une aubaine pour ces réfugiés qui ont fui leur pays à cause de la guerre pour venir au Liban.

Vers midi, la cueillette est terminée. Place à l’emballage. Entourés de centaine de caisses remplies de fraises, Abou Mohammad, sa femme et quelques-uns de ses enfants sont assis autour d’une table. Ils font le tri selon leur qualité et leur taille. Puis remplissent les fraises dans de petites boîtes en plastique, prêtes à être livrées. Les plus petites seront vendues pour faire du jus.

Abou Mohammad est un réfugié syrien. Il a été accueilli par Georges al-Jammal depuis quelques années. Il vit avec sa femme et ses dix enfants et a aidé Georges efficacement, surtout lorsque ce dernier a décidé de développer son entreprise.

Le travail est continu tout au long de l’année : préparer la terre, planter, prendre soin des plantations, fixer les serres, arroser, cueillir, et enfin laisser la terre se reposer. « La cueillette prend 7 mois. Et avec les fraises il faut les cueillir tous les jours », explique Abou Mohammad.

Georges al-Jammal, lui supervise tout le travail. Rien ne passe sans son consentement. Tout doit être parfait.

« Cette aide pour moi a été comme celle d’un père. Avec des taux d’intérêts bas, un échelonnement facile des paiements et des conseils pertinents sur la manière de dépenser, je me considère chanceux d’avoir bénéficié de ce projet de l’UE », explique fièrement Georges al-Jammal, avec son fort accent akkariote.

Il espère terminer son prêt rapidement pour en prendre un autre et poursuivre sur sa lancée. Son enthousiasme est surveillé de près par Abdallah Ishac qui le visite régulièrement. Il ne faudrait pas qu’il fasse de faux pas.  

« J’aime mon travail. Je bosse nuit et jour. Je veille parfois tard dans la nuit pour m’assurer que les plantes sont bien arrosées. Sans oublier que les tâches agricoles en hiver sont très difficiles dans le climat au Akkar où les vents sont très forts.

Ce soutien européen m’a permis de me lancer dans la vie avec assurance. En fin de compte, mon ambition est de vivre en homme libre et indépendant », conclut Georges al-Jammal qui pense désormais à se marier et fonder une famille.    

 

Lien vers L’Orient Le Jour

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