À travers l’éducation aux médias et à l’information, des élèves libanais acquièrent les compétences requises pour accéder à l’information, analyser son impact et évaluer son authenticité, ainsi que pour créer eux-mêmes un sujet médiatique, grâce à un projet soutenu par l’UE pour inciter les jeunes à s’éloigner de la radicalisation.
Adriana, Dona, Marguerita, Maria et Nour, planchent avec leurs amies de classe et leur professeur Lynn sur la formulation d’un questionnaire pour leur site newsknights (nk.jmrab.net). Cette activité enthousiasme énormément la douzaine d’élèves inscrits pour suivre ce cours suivi uniquement par des filles, « parce qu’il nécessite beaucoup de travail et d’engagement, et que les garçons préfèrent s’amuser » pendant la récréation, expliquent avec malice, les filles.
Ce cours donné à « Jesus and Mary school » à Rabieh au Nord de Beyrouth, fait partie d’un programme financé par l’UE appelé : « Beyond radicalisation : Youth in Lebanon speak up ! ». « Le but ultime du projet est de soutenir la paix au Liban en encourageant les Libanais à résoudre leurs problèmes sans recours à la violence », explique Mona Naggar, en charge du projet à Deutsche Welle (DW). « Pour ce faire, explique-t-elle, nous incitons les jeunes à s’éloigner de la radicalisation (toute sorte de radicalisation, pas seulement religieuse) et ce à travers ce que l’on appelle l’éducation aux médias et à l’information (MIL, Media Information literacy). Notre rôle est de former des jeunes entre 13 et 25 ans pour leur donner les compétences requises pour accéder à l’information (Internet, radio, presse, télévision), analyser son impact et évaluer son authenticité. Un autre volet propose également aux jeunes de créer un sujet médiatique ».
Lynn précise : « Les sessions de travail ne font pas partie du cursus scolaire, les élèves y participent, en dehors des heures de classes normales. Il y a un côté théorique et un autre pratique ».
Une telle formation permettra d’une part aux jeunes de ne pas tomber dans ce que l’on appelle les hoax, les fausses nouvelles et les rumeurs, et d’autre part de pouvoir eux-mêmes influencer leur entourage.
La formation insiste ainsi sur la qualité du travail et l’éthique journalistique, qu’il s’agisse de recevoir ou de présenter l’information. « Nous expliquons aux élèves comment vérifier les sources, nous leur apprenons comment différencier une information et une opinion, etc. »
Quatre écoles concernées
e projet, financé à 75% par l’UE (800.000 Euro), a commencé en mars 2016 et doit durer jusqu’en février 2019. Actuellement, il est à ses débuts. Il comprend outre DW, trois autres partenaires libanais : PPM (Permanent Peace Movement), Jesus and Mary School, et MDLAB (Media digital literacy academy of Beirut).
Ce projet vise d’abord les écoles, bénéficiaires du projet : Jesus and Mary School à Rabieh ; l’école Al-Kawthar qui appartient à la fondation Mabarrat, située dans la banlieue sud de Beyrouth ; et deux écoles publiques, l’une à Saida (sud du Liban) et l’autre à Rachaya (est). Près de 80 élèves sont concernés.
Il fournira ainsi une formation théorique et pratique aux élèves qui devront créer un support médiatique adéquat à leurs besoins et moyens.
A « Jesus and Mary school », le site newsknighs est très actif. Il accueille différents sujets d’actualité : sport, science, culture, mais aussi politique et société. Le problème des réfugiés syriens au Liban est traité avec beaucoup de précision par ces journalistes en herbe.
La formation qu’elles ont acquise leur a donné beaucoup de confiance en elles-mêmes. Pour Dona, « c’est un moyen pour s’exprimer sur des questions d’actualités ». Maria, pour sa part, adore écrire, et le projet lui a donné cette chance : « J’aimerais bien devenir journaliste », avoue-t-elle. Pour une autre élève, plutôt timide, rédiger des articles est un moyen de dépasser ses craintes du public : « S’il y avait une discussion, entre amies, je ne saurais pas m’exprimer comme je m’exprime dans mes articles », précise-t-elle.
Toutes les tranches de la population
Il convient de noter que le projet vise à donner aux Libanais eux-mêmes le savoir-faire. Le rôle de DW est donc de former des formateurs qui formeront les enseignants qui à leur tour éduqueront les jeunes.
Le projet vise par ailleurs des tranches variées de la population. Donc non seulement des écoles, mais aussi des ONG. Près de 100 jeunes de Tripoli bénéficieront du projet, à travers l’association Utopia et la Maison des arts et des sciences.
En outre, le projet n’a pas exclu les réfugiés syriens au Liban, notamment dans la Bekaa (est), par l’intermédiaire des ONG Noun et Abjadiya. « Nous devrons en outre lancer des campagnes de sensibilisation à travers des conférences et des ateliers de travail », affirme Mona Naggar.
Un dernier volet consiste à reformer le programme scolaire libanais, en y incluant le MIL. C’est un travail de longue haleine en coopération avec les ministères concernés, afin de pérenniser l’idée de l’éducation aux médias et à l’information, au-delà du projet lui-même.
C’est déjà chose acquise à « Jesus and Mary School ». Une élève explique fièrement le processus qu’elle suit pour s’assurer des informations qu’elle lit : « D’abord je vérifie à qui appartient le média ? Ensuite je note si l’auteur utilise des chiffres ou des statistiques pour confirmer ses informations ? Sinon, je note s’il use de beaucoup d’adjectifs pour influencer le lecteur d’une manière ou d’une autre… »
Enfin, une jeune fille explique avec beaucoup d’assurance, que les élèves ont un rôle actif à jouer dans la société : « à travers ce site et nos articles, nous donnons notre avis. Nous traitons des sujets d’actualité que nos amis, nos lecteurs suivent avec admiration ». Les élèves sont toutes d’accord pour affirmer : « Désormais, notre voix compte! ».
Pour plus d’informations sur le projet:
“Beyond Radicalization – Youth in Lebanon speak up!”
Le projet financé par l’UE en vertu de l’Instrument européen de démocratie et des droits de l’homme doit durer trois ans. Il est dirigé par Deutsche Welle Akademie (DW Akademie). Dans le cadre de ce projet, les ONG locales et les organisations communautaires seront habilitées à organiser des formations pour les jeunes dans le domaine des médias et de l’information (MIL). Grâce aux programmes MIL, les jeunes comprendront le rôle des médias et leur influence sur les gens et la société. Les jeunes auront aussi la capacité de décoder les messages médiatiques et de comprendre la nature du contenu médiatique. Ils créeront leurs propres médias, qu’il s’agisse site web, d’un blog, ou autres, afin de promouvoir pacifiquement leurs causes.
Budget : 800.000 Euro
Période : mars 2016 à février 2019