« Quand je vois un enfant de 13 ans qui ne sait ni lire ni écrire, je me sens coupable et j’ai le sentiment d’avoir une responsabilité envers lui », explique Ahmad Al-Deery, un Syrien de 55 ans, réfugié en Jordanie, qui a transformé une petite caravane en école mobile pour faire la classe à 39 élèves à l’intérieur d’un camp. C’est l’un des sujets qui ont été traités par les journalistes qui ont participé aux formations sur le journalisme et le journalisme mobile à Amman, dans le cadre du programme Qudra 2 cofinancé par l’UE, afin de mettre en lumière les principaux problèmes auxquels sont confrontés les réfugiés syriens, notamment dans le domaine de l’éducation.
L’éducation est un droit fondamental pour chaque enfant dans le monde. Elle est aussi un refuge pour ceux qui sont opprimés. Pourtant, pour des milliers de jeunes Syriens qui ont été contraints de fuir leur pays avec leur famille, l’école est un « luxe » qu’ils ne peuvent pas se permettre. Les statistiques sont alarmantes : le pourcentage de jeunes Syriens qui abandonnent l’école augmente avec l’âge pour atteindre un élève sur cinq à l’âge de 16-17 ans. Cette situation est due à de multiples difficultés, notamment le manque de transports publics, des coûts prohibitifs, le fait que les enfants travaillent pour compléter le revenu familial au lieu d’étudier, ou encore le long trajet qu’ils doivent parcourir pour aller à l’école. Certains, en effet, doivent faire jusqu’à 3 kilomètres à pied pour se rendre à l’école. L’augmentation des mariages de jeunes filles mineures est un autre obstacle majeur, ces dernières étant contraintes d’abandonner leurs études et de renoncer ainsi à tout espoir d’avenir professionnel. Le décrochage scolaire précoce est également lié au chômage, à l’exclusion sociale, à la pauvreté et à des problèmes de santé.
Plus de 11 ans après le début de la guerre en Syrie, des efforts conjoints continuent d’être déployés pour aider à résoudre les problèmes dominants et améliorer le processus pour les réfugiés syriens déplacés confrontés à des difficultés pour bénéficier d’une éducation, parmi d’autres droits. Des solutions sont proposées par diverses parties prenantes, telles que des organisations internationales et des bailleurs de fonds, notamment l’UE.
Des journalistes partagent leur expérience
Badi’a Al-Sawwan, une journaliste jordanienne qui a participé à la formation sur le journalisme du programme Qudra 2, s’est entretenue avec des réfugiés syriens qui ont pris l’initiative d’apprendre à des enfants à lire et à écrire. Elle a été le témoin direct des difficultés rencontrées par les réfugiés syriens en matière d’éducation, notamment, puisqu’elle vivait à proximité d’un camp invisible dans la province d’Al-Mafraq. C’est pourquoi elle s’est mobilisée pour parler de ces difficultés dans les médias. « Les gens pensent que les problèmes des réfugiés se limitent à l’asile et au déplacement, mais leur situation est beaucoup plus compliquée qu’on ne le croit. Les réfugiés sont confrontés à tant de difficultés pour faire valoir leurs droits les plus élémentaires que même l’éducation, qui est pourtant l’un des droits les plus simples et les plus importants, a parfois dû être rayée de leurs priorités pour pouvoir gagner leur vie. »
Mustafa Al-Dahdouh, originaire de Gaza, est un autre bénéficiaire du programme de formation. Il a réalisé un reportage sur les longs trajets que doivent effectuer les enfants pour se rendre à l’école depuis les camps de réfugiés isolés et invisibles, qui montre que ces trajets ont été un facteur de décrochage scolaire. Mustafa explique qu’il n’a pas été facile d’obtenir des chiffres précis sur les enfants scolarisés et ceux ayant abandonné l’école. Il est donc très satisfait d’avoir pu mentionner des chiffres pour étayer son article. « En général, j’aime couvrir des sujets marginalisés qui sont très importants pour les gens. Amener les réfugiés à parler de leurs difficultés n’a pas été évident non plus, mais j’envisage de couvrir davantage de sujets de ce type pour leur donner la parole », déclare le journaliste.
L’éducation, un droit fondamental pour tous
L’éducation est un droit fondamental et un besoin de base des enfants en contexte de crise humanitaire. Il est essentiel de leur offrir un avenir meilleur, de développer tout leur potentiel et de les doter de compétences et d’une protection qui leur redonneront un sentiment de normalité et de sécurité.
Les enfants deviennent plus autonomes et parviennent mieux à se faire entendre sur les sujets qui les concernent. L’éducation est également l’un des meilleurs outils pour investir dans la paix, la stabilité et la croissance économique. Pourtant, c’est aussi l’un des domaines de l’aide humanitaire les moins financés : seuls 3 % du budget humanitaire mondial sont alloués à l’éducation. Malgré l’Objectif de développement durable visant à offrir une éducation de qualité à chaque enfant, 260 millions d’enfants n’ont toujours pas accès à un enseignement primaire ou secondaire. Parmi les enfants réfugiés, seuls 77 % sont scolarisés dans l’enseignement primaire et 31 % dans l’enseignement secondaire.
Avec sa politique sur l’éducation en contexte d’urgence et de crise prolongée, l’UE a pour objectif de limiter l’impact des crises sur l’apprentissage des enfants. L’UE aide les enfants affectés par les crises à retourner à l’école et à rester scolarisés via divers circuits d’éducation formelle et non formelle. Nous soutenons les enseignants au travers de formations, d’un accompagnement et de mesures de protection.
Par ailleurs, l’UE se concentre de plus en plus sur la protection de l’éducation contre les attaques et sur le déploiement de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. Plus de 65 % des actions d’éducation en contexte d’urgence financées par l’UE ont intégré des éléments de protection. Cela garantit des espaces d’apprentissage sûrs et, le cas échéant, des liens avec des services spécialisés dans la protection de l’enfance.
Qudra 2 – Résilience des réfugiés, des déplacés internes, des migrants de retour et des communautés d’accueil en réponse à la crise prolongée en Syrie
La crise syrienne est à l’origine du plus grand déplacement de populations de la planète. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (2020), 6,6 millions de personnes ont été déplacées en Syrie et 5,6 millions de réfugiés syriens ont été recensés au Liban, en Jordanie, en Turquie et en Irak, le Liban accueillant le plus grand nombre de réfugiés par rapport à sa population. L’Union européenne (UE) et ses partenaires répondent à cette situation en soutenant conjointement des projets qui atténuent les difficultés de la région. Le programme Qudra, cofinancé par l’UE, travaille avec des réfugiés, des personnes déplacées, des migrants de retour et des communautés d’accueil dans quatre pays limitrophes de la Syrie, à savoir l’Irak, la Jordanie, le Liban et la Turquie. Le programme, qui en est actuellement à sa 2e phase (2019–2023), est une action regroupant plusieurs partenaires dont le but est d’apporter une réponse européenne à la crise, offrant la force et les capacités combinées des agences de mise en œuvre de l’UE et de ses États membres. Qudra 2 est une action régionale cofinancée par l’Union européenne, par le biais du Fonds fiduciaire régional de l’UE en réponse à la crise syrienne, le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) et l’Agence espagnole pour la coopération internationale au développement (AECID). Elle vise à renforcer la résilience des réfugiés, des déplacés internes, des migrants de retour et des communautés d’accueil en réponse aux crises prolongées en Syrie et en Irak. Pour y parvenir, les activités du programme sont articulées autour des quatre piliers suivants, qui ont été sélectionnés en fonction des besoins de chaque pays : Éducation et protection ; Promotion de l’emploi et génération de revenus ; Institutions gouvernementales locales et organisations de la société civile ; et Cohésion sociale (pilier transversal).
Fonds fiduciaire de l’UE pour la Syrie
Lancé en décembre 2014, le Fonds fiduciaire régional de l’UE en réponse à la crise syrienne (Fonds Madad) a soutenu plus de 8,4 millions de personnes, tant à l’intérieur de la Syrie que parmi les réfugiés syriens et les communautés qui les accueillent au Liban, en Jordanie, en Irak, en Turquie, dans certains pays des Balkans occidentaux, en Arménie et en Égypte. Il répond aux besoins éducatifs, économiques, sociaux et en matière de santé des réfugiés syriens tout en soutenant les communautés locales et leurs administrations mises à rude épreuve. Quelque 120 projets représentant un montant de 2,36 milliards d’euros ont permis d’améliorer les moyens de subsistance ainsi que le secteur de la santé et de fournir des services de protection. Le Fonds fiduciaire de l’UE pour la Syrie contribue à renforcer la cohésion sociale entre les Syriens et leurs communautés d’accueil, à accroître les possibilités d’éducation et à améliorer l’approvisionnement en eau, l’assainissement et l’hygiène. Enfin, le train de mesures anti-coronavirus a permis d’intensifier la coopération et le soutien.