Grâce au projet DAWRIC de l’Union Européenne je me rapproche d’une indépendance financière qui m’est précieuse

Mars 13, 2019
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A Douris, dans la région de Baalbeck, Souhayla Abdel Rahim Aamer, 59 ans, a suivi une formation de trois mois aux métiers de la création et vente d’objets artisanaux. Cette formation fait partie du projet DAWRIC (Actions directes pour les femmes : réformes, inclusion et confiance), financé par l’Union Européenne à hauteur de près d’un million d’euros.  Son but est de renforcer les capacités des femmes au Liban afin de lutter contre la pauvreté et promouvoir l’égalité des genres. Voici l’histoire de Souhayla et comment cette formation a impacté sa vie.

“Depuis toute petite, je n’ai jamais aimé l’idée du mariage. J’ai toujours eu des prétendants, j’en ai d’ailleurs toujours, mais jusqu’à présent, je n’ai jamais voulu m’engager. A chaque fois qu’un homme m’approchait j’avais le cœur qui se serrait. En même temps pourquoi fonder une famille à moi ? J’avais déjà une famille. Ma mère est tombée malade quand j’étais très jeune. Dès l’âge de 13, 14 ans, j’ai dû m’occuper d’elle et de mes 7 petits frères et sœurs. Eux ne savaient rien faire à la maison : ni la lessive, ni la cuisine, ni le ménage. Alors que moi j’avais observé ma maman pendant longtemps et j’apprends très vite. Je me suis mise à reproduire ce qu’elle faisait et parfois je réussissais les choses encore mieux qu’elle ! 

J’étais assez douée, c’est dommage que je n’aie pas pu faire des études. Mon rêve à moi a toujours été d’apprendre. J’adore ça ! 

J’ai dû arrêter l’école à quelques jours du brevet. J’étais prête à le passer mais ils ont annulé l’examen 13 jours avant la date à cause de la guerre. J’aimais beaucoup la physique, la chimie et les sciences. J’étais très bonne dans ces matières. J’aurais aimé étudier la médecine ou l’ingénierie. 

Quand j’avais environ 20 ans, une amie du camp palestinien m’a parlé d’une opportunité de travail dans une usine de broderie palestinienne traditionnelle à Douris près de Baalbeck, où nous étions installés. Elle m’a dit : au lieu de rester assises à ne rien faire à la maison, après avoir fini toutes les tâches ménagères, pourquoi toi et tes sœurs n’apprenez pas quelque chose de nouveau pour passer le temps ? Vous pourrez même travailler à partir de la maison.

Au début mes parents étaient contre l’idée, bien sûr : ce n’était pas la mentalité de l’époque de laisser les filles travailler. Mais mes sœurs et moi, on a réussi à les convaincre. 

On leur a expliqué que ça n’avait pas de sens de rester à ne rien faire alors qu’on pouvait travailler à partir de la maison, s’amuser et contribuer un peu financièrement au foyer. 

C’est comme cela que mes sœurs et moi avons commencé à travailler dans cette usine. 

Ça m’a changée : j’ai senti qu’enfin je faisais quelque chose pour moi, que j’avais une place dans la société et que je pouvais faire quelque chose d’utile. Quand j’avais envie de m’acheter une robe ou même des fruits pour la maison et que mon père n’avait pas les moyens, je pouvais moi-même me faire plaisir et soutenir la famille. Quand mes frères et sœurs se sont mariés, j’ai pu les soutenir financièrement. Quand mon frère est mort, j’ai pu aider mon père à prendre soin de mon neveu et ma nièce qui sont venus vivre avec nous. 

L’usine de broderie a fermé environ dix ans plus tard : j’ai continué à travailler quelques années grâce à une ONG libanaise d’artisanat palestinien (Inaash). Malheureusement lorsque celle-ci a arrêté ses activités à Douris, je me suis à nouveau retrouvée à la maison, pendant une quinzaine d’années. Ça m’a beaucoup affectée de ne plus avoir mon propre revenu pour acheter ce que je veux. Je n’avais plus l’habitude ni l’envie de demander de l’aide à mon père. 
 

J’ai bien essayé de retrouver du travail, mais il n’y a pas grand-chose ici à Douris ; alors pour ne pas m’ennuyer ; après avoir pris soin de la maison, je continuais à créer des vêtements, des cadeaux pour la famille. Je suis du genre à ne pas rester assise sans rien faire. Je déteste ça ! 

Et puis en octobre dernier, j’ai eu la chance de pouvoir recommencer à faire ce que j’aime le plus : apprendre !  C’est ma voisine qui m’a parlé d’un programme financé par l’Union Européenne appelé DAWRIC. Ils donnent des formations aux femmes pour les aider à accéder au marché du travail. 

Quand j’ai appris cela, je n’ai pas hésité une minute ! J’ai pris le train en marche car le programme avait déjà commencé depuis trois semaines, mais j’ai vite rattrapé mon retard. 

Tous les matins, je me levais très tôt car je voulais que la maison soit impeccable avant d’aller aux formations qui avaient lieu trois fois par semaine de 9 heures à midi. Je prenais bien soin de terminer tout ce qu’il y avait à faire avant de partir : le ménage, le repas, l’essentiel afin que mon père se sente à l’aise. 

Ce qui était intéressant dans ces ateliers, c’est qu’ils nous ont appris pas mal de nouvelles techniques que je ne connaissais pas, outre la broderie et la couture. J’ai appris à fabriquer de nouveaux objets d’artisanat, travailler le bois, le verre pour faire des plateaux, des objets de décoration…On nous a aussi appris des stratégies pour mieux vendre ce que nous créons, pour demander un prêt à la banque…
 

Aujourd’hui, je vends mes créations surtout par le bouche-à-oreille.  Ici, les femmes parlent beaucoup entre elles. Lorsqu’elles prennent le café, elles demandent : d’où viennent ces jolis habits de bébés…et certaines répondent c’est Souhayla, elle fait du très bon travail. Moi je vends moins cher que le marché, car il faut être maligne pour pouvoir vendre ce que tu fais. C’est comme ça qu’on se fait connaître. Pour l’instant j’ai 4 à 5 clients. 

C’est important pour moi. Je dois penser à diversifier ce que je fais, mes compétences, mes créations, pour vendre plus. Il faut que j’apprenne à être indépendante financièrement pour pouvoir me relever si la situation actuelle se retourne contre moi. Mon père à 83 ans, il peut partir d’un jour à l’autre et à ce moment-là c’est moi qui devra tout prendre en charge et continuer à prendre soin de mon neveu et ma nièce. Dieu merci nous avons pu acheter notre appartement il y a trois ans, mais le reste, il faudra bien que je m’en occupe.

Cela dit, j’ai la foi. Avec ces formations de l’Union Européenne que j’ai suivies, je me sens utile et capable de faire des choses et c’est aussi ce que je veux transmettre à ma nièce. 

Bien sûr, je veux qu’elle se marie et fonde une famille, je veux son bonheur, mais je veux qu’elle travaille aussi pour se sentir utile, aider son mari, et être indépendante.
Je fais tout ce que je peux pour la pousser à faire ses études, je ne lui demande même pas de faire son lit, tout ce que je veux c’est qu’elle étudie et pourquoi pas faire ce master en littérature anglaise dont elle rêve tant. Tout ce que je n’ai pas pu faire et apprendre, je veux qu’elle puisse le faire.”

Souhayla Aamer a 59 ans, elle fait partie des 23 femmes de Douris dans la région de Baalbek à avoir bénéficié du projet DAWRIC (Actions directes pour les femmes : réformes, inclusion et confiance) financé par l’Union Européenne et implémenté par le British Council avec la Fondation Maharat et le Comité de suivi des questions féminines (Committee for the Follow up on Women Issues – CFUWI). 
L’objectif de DAWRIC est de renforcer les capacités des femmes au Liban afin de lutter contre la pauvreté et promouvoir l’égalité des genres. Le projet de près d’un million d’euros a été mis en place un peu partout au Liban (dans 21 municipalités) avec une vingtaine d’ONGs et d’associations.

A Douris, DAWRIC a travaillé avec l’Association pour l’Orientation et le Développement (AOD) et alloué 10 000 dollars pour former ces femmes. Sur les 23 qui ont bénéficié de la formation, qui s’est déroulée d’octobre à décembre 2018, 4 affirment générer des revenus de la vente de leurs objets artisanaux. Les autres ont gagné un nouveau passe-temps. “Nous sommes dans une zone rurale ici, les femmes sont souvent obligées de rester au foyer alors si on veut leur donner une chance de travailler, il vaut mieux nous concentrer sur des activités qu’elles peuvent faire de chez elle ”, explique Chafik Chehadeh, président de l’association AOD.  
Au total, 4 000 femmes libanaises ont bénéficié du projet de l’UE, qui a débuté en septembre 2016, et se termine ce mois de mars 2019.
 

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