La 18e édition du Prix Samir Kassir pour la liberté de la presse, concours organisé par la Délégation de l’Union européenne et la Fondation Samir Kassir, a une nouvelle fois mis en lumière les champions du journalisme. Parmi les lauréats figurait Inas Hakki, une réalisatrice syrienne résidant désormais en France. Son parcours, marqué par la résilience, et son récent triomphe racontent une histoire puissante qui résonne bien au-delà des frontières.
Née en Syrie en 1984, Inas Hakki est originaire de Mayadine, une ville nichée au nord-est de la Syrie. Ses premières années se sont déroulées dans le cœur vibrant de Damas, où elle a nourri ses rêves et fait ses premiers pas dans le monde du travail. Cependant, la guerre qui a englouti son pays natal l’a contrainte à une odyssée de survie et d’exil, d’abord au Liban, puis en France, où elle a trouvé refuge avec sa petite famille. C’est dans la catégorie article d’opinion, qu’Inas Hakki a remporté le prix Samir Kassir pour la liberté de la presse. Publiée sur le site Raseef 22, sa lettre ouverte à Jackie Chan, est un véritable cri du cœur d’une Syrienne qui a assisté, impuissante, à la destruction de son pays. A travers sa plume, Inas décrit la Syrie en ruines, la perte des proches et amis et évoque la difficile décision de prendre la route de l’exil.
Jackie Chan et le cri sincère pour la beauté perdue de la Syrie
Avec une pointe d’indignation, Inas explique : « Jackie Chan a réalisé un film qui présentait des scènes tournées dans le quartier d’al-Hajar al-Assouad à Damas. La partie filmée sur ces lieux raconte l’histoire d’habitants chinois qui ont dû être évacués de leur ville en feu. Jackie Chan avait indiqué que sa société de production avait pu louer tout le quartier d’Al-Hajar al-Assouad pour y tourner pour une modique somme d’argent.” Elle indiqua, la voix remplie de passion, qu’elle a été indignée par ces propos sur la façon dont un si beau quartier était réduit à être entièrement loué pour une petite somme. Elle a déclaré : « Ce quartier a été ravagé par la guerre. Ses habitants ont été soit tués, soit contraints à l’exil.”
C’est pourquoi elle souhaitait mettre en valeur la vraie beauté de ce quartier, tel qu’elle se souvient d’avant la guerre dévastatrice. Dans son article poignant, Inas Hakki dresse un tableau saisissant de la vie quotidienne dans le quartier d’al-Hajar al-Assouad avant la guerre, une existence marquée par la simplicité et la gentillesse malgré les soucis quotidiens. Elle a évoqué les enfants qui jouaient joyeusement devant leurs maisons, les femmes préparant des repas, ainsi que la chaleur et l’hospitalité des familles. L’article d’Inas a permis aux lecteurs d’entrevoir une époque où cette communauté prospérait, avant les ravages de la guerre. Inas Hakki constitue ainsi un rappel brutal du coût humain des conflits. Son acte courageux consistant à confronter une icône mondiale aux dures réalités de la guerre, ainsi que son portrait évocateur de la vie d’avant-guerre, ont non seulement donné la parole aux sans-voix, mais ont également déclenché des conversations cruciales sur les responsabilités des artistes et des cinéastes face aux tragédies de la guerre.
Prix Samir Kassir : Défendre la liberté d’expression et les valeurs communes
Dans une interview suite à sa remise de prix, Inas Hakki a partagé ses réflexions : « Remporter le Prix Samir Kassir pour la liberté de la presse de l’Union européenne au Liban revêt pour moi une profonde signification. Cette distinction défend les idéaux mêmes pour lesquels Samir Kassir a donné sa vie, en particulier l’égalité, la liberté et la justice dans le monde arabe.” Au fur et à mesure que se déroulait la 18e édition du Prix Samir Kassir, elle revêtait plus de poids que jamais. La liberté de la presse et le droit d’expression sont confrontés à des défis incessants, non seulement dans le monde arabe mais partout dans le monde.
Ayman Mhanna, directeur exécutif de la Fondation Samir Kassir, a fait écho aux sentiments de l’Inas : « Le prix Samir Kassir défend un idéal de liberté d’expression, en soutenant les journalistes arabes dans leur lutte quotidienne pour la justice, la démocratie et la liberté de la presse.» Le prix était un symbole d’espoir et de reconnaissance pour les journalistes qui ont osé dénoncer la violence, l’oppression et la corruption.
Tatiana Hosny, attachée de presse à la Délégation de l’Union européenne au Liban, a salué le Prix Samir Kassir pour la liberté de la presse, le qualifiant de «l’un des prix de journalisme les plus prestigieux de la région». Elle a souligné son impact transformateur, notant : « Depuis sa création en 2006, il a honoré de nombreux jeunes journalistes indépendants du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et du Golfe. Il a non seulement élevé le niveau du journalisme d’investigation, mais a également fourni un plateforme pour les journalistes confrontés à des poursuites ou à des menaces dans leur pays d’origine.»
“Dans un paysage où la liberté de la presse est restreinte ou étroitement surveillée”, a poursuivi Tatiana, «l’accès à un journalisme de qualité n’a jamais été aussi crucial. Les concours de journalisme, comme le prix Samir Kassir, offrent non seulement une reconnaissance mais aussi une véritable crédibilité aux journalistes lorsqu’ils élèvent la voix. » Elle a insisté : «L’Union européenne reste inébranlable dans son engagement à défendre et à promouvoir la liberté de la presse, car nous sommes fermement convaincus qu’une presse libre est la pierre angulaire d’une société démocratique prospère.»
Dans l’histoire d’Inas Hakki, depuis les rues déchirées par la guerre en Syrie jusqu’au podium du 18e Prix Samir Kassir pour la liberté de la presse, nous trouvons un témoignage du pouvoir de la résilience et de la quête inébranlable de la vérité. Ce prix, lueur d’espoir dans un paysage journalistique de plus en plus difficile, incarne les idéaux pour lesquels Samir Kassir a sacrifié sa vie. Dans le triomphe d’Inas Hakki, nous voyons le pouvoir transformateur de l’écrit, la capacité d’éclairer les recoins les plus sombres et d’inspirer le changement. Son parcours nous rappelle que la mission durable du journalisme est de garantir que les voix de ceux qui n’ont pas de voix soient entendues et que dans la quête de la vérité, nous trouvons le chemin de la liberté.
Le Prix Samir Kassir, établi et financé par l’Union Européenne, est l’évènement phare annuel de la liberté de la presse et le prix de journalisme le plus prestigieux en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et dans les pays du Golfe. La cérémonie de remise du Prix est organisée chaque année, depuis 2006, pour commémorer l’assassinat du journaliste libanais Samir Kassir le 2 juin 2005 à Beyrouth et célébrer sa vie, ses valeurs et sa mémoire. https://samirkassiraward.org/fr/Home