Déployé dans 6 wilayas et à travers 24 communes cibles, le Programme d’appui au développement local durable et aux actions sociales du nord-ouest de l’Algérie (PADSEL NOA) accompagne les acteurs publics locaux dans le processus d’autonomisation économique des populations. Doté d’un budget de 43 millions d’euros, cofinancé par le gouvernement algérien et l’Union européenne, ce programme accompagne le secteur privé, les ménages et les associations dans leurs actions de création et de consolidation d’activités génératrices de revenus.
Des cactus, il y en a toujours eu à Kharfia, petit hameau de la commune de Belaas (Aïn Defla) tout en pentes et hautes collines. Jusque-là, ils ont surtout servi de clôtures naturelles pour les maisons et l’été, leurs fruits étaient consommés par les villageois ou vendus en bord de route. Mais ce dont rêve Youcef Hadjimi, jeune agriculteur de la région, c’est d’une véritable cactuseraie. Il ambitionne de créer une exploitation agricole où les rendements seraient maîtrisés et qui produirait des fruits et du fourrage pour le bétail. Au début du mois d’octobre 2020, Youcef a suivi une formation sur la valorisation du figuier de Barbarie en compagnie de quinze autres agriculteurs de sa commune. « Je vis au milieu des cactus depuis ma naissance mais je n’avais jamais imaginé qu’une telle richesse soit concentrée dans une plante à épines. Aujourd’hui, je sais comment planter, élaguer et commercialiser les fruits grâce aux connaissances transmises par Nadira, notre formatrice », affirme le jeune homme.
Organisée dans le cadre du Programme PADSEL NOA, cette formation a été animée par l’experte Nadira Oulebsir, vice-présidente de l’association nationale pour le développement du cactus. Cette agricultrice a parcouru plus de 700 kilomètres pour transmettre ses connaissances.
« Cette formation du PADSEL NOA tombe à point nommé car le gouvernement a pour objectif d’augmenter les superficies des plantations de cactus. Nous aurons donc besoin de pépinières, de sociétés de plantation et de sociétés pour la transformation des fruits et des graines. Le potentiel en matière de transformation est très intéressant car il est possible d’extraire de l’huile de figue de Barbarie mais aussi de confectionner du jus et des confitures. La wilaya de Aïn Defla peut donc devenir une région pionnière dans ce secteur », affirme Nadira Oulebsir.
La culture du figuier de Barbarie est l’exemple même d’activité génératrice de revenus (AGR) en milieu rural que développe le PADSEL NOA dans 24 communes réparties sur 6 wilayas pilotes (Chlef, Aïn-Defla, Médéa, Saïda et Tissemssilt). Mahmoud Hafnaoui, maire de Belaas, un village de 6000 habitants parmi les plus défavorisés d’Algérie, ne cache pas sa satisfaction. «Il y a très peu d’opportunités de travail ici. L’essentiel des activités tourne autour de l’agriculture et de l’élevage. Le PADSEL NOA est un souffle d’espoir pour la commune car il est basé sur une vision réaliste des potentiels humain, matériel et environnemental de chaque territoire. C’est valable pour la culture du figuier de Barbarie mais nous pouvons l’appliquer à l’extraction d’huile de lentisque ou encore au développement d’activités touristiques puisque Belaas se trouve à proximité du massif montagneux de l’Ouarsenis», explique l’élu.
L’autonomisation des artisanes
Après Belaas, direction le village montagneux d’El Maine. Le maire Abdelkader Habbes est lui aussi très satisfait de l’apport du programme PADSEL NOA, d’autant plus que les bénéficiaires sont essentiellement des femmes de la région. A Belaas, l’artisanat a été identifié comme étant une des principales activités génératrices de revenus et une quinzaine de femme ont pu bénéficier d’une formation en vannerie à partir de fibres de palmier nain, appelé communément doum. « Dans notre région, les femmes maîtrisent l’art de la vannerie, la poterie ou encore le tissage. Mais ces activités servent généralement à produire des ustensiles qui sont utilisés dans leurs foyers. Le plus important pour nous, c’est de leur permettre de comprendre que cet savoir-faire est très recherché et qu’il est possible d’en tirer des profits substantiels », souligne le maire d’El Maine. Il ajoute que les débuts ont été complexes car peu de femmes ont répondu à l’appel pour participer à la formation. « Généralement, les femmes rurales ne quittent leurs foyers que pour aller aux champs. Mais les premières artisanes à rejoindre le programme ont joué un rôle essentiel puisque leur participation a incité les autres à suivre, elles-aussi, la formation », ajoute-t-il.
Installées dans le local de la cellule de proximité de l’Agence de développement social (ADS), les artisanes sont aujourd’hui fières de présenter leurs produits. Formées au courant du mois d’août, Rokia, Aïcha, Kheira et Naïma ont déjà produit des plats, des paniers ainsi que de petits bijoux fantaisie en doum. Sociologue au sein de la cellule de proximité ADS d’El Maine, Hassiba Bouziani précise que la prochaine étape consiste à permettre aux artisanes de s’organiser afin de produire et surtout de commercialiser leurs produits. « Actuellement, nous réfléchissons à la possibilité de les accompagner pour la création d’une association d’artisanes. L’objectif est de leur permettre d’être autonomes et de vivre de cet art ancestral », indique-t-elle.
Soutenir les porteurs de projets
Le rôle des institutions locales est primordial dans l’accompagnement et l’autonomisation des populations. Pour y parvenir, les acteurs institutionnels doivent s’approprier les outils du développement local. Le PADSEL NOA, dans son chapitre dédié à l’administration, forme et renforce les capacités des fonctionnaires. Il a également créé une dynamique intersectorielle puisque plusieurs départements ministériels et agences publiques travaillent en coordination avec le ministère de la Solidarité. Cette coordination intersectorielle nécessite la mise en place d’une plateforme pour mettre en réseaux l’ensemble des acteurs. Le PADSEL NOA a pris en considération cette exigence à travers le Système d’information géographique. Ce système permet de collecter des informations, de les traiter et de les partager de façon à en faire un outil d’aide à la décision efficace.
A Aïn Defla, un Programme d’insertion des diplômés (PID) a permis de former 20 universitaires aux techniques informatiques et bureautiques. Ces jeunes diplômés sont les futurs accompagnateurs-facilitateurs. Leur formation est supervisée par Omar Beskri, assistant de la structure opérationnelle locale du PADSEL NOA à Aïn-Defla. « Les accompagnateurs-facilitateurs sont la force de frappe en matière de développement local. Leur mission consiste à soutenir les porteurs de projets et à porter leurs voix auprès des services administratifs », note Omar Beskri.
Un programme « révolutionnaire »
La mise en œuvre du programme PADSEL NOA, cofinancé par l’Union européenne à hauteur de 20 millions d’euros, a exigé une longue phase de préparation. Une série d’études a été réalisée afin d’identifier les activités et les bénéficiaires à travers les 24 communes cibles. Saïd Benmerad, expert en développement local et chef d’équipe au sein de cette assistance technique, revient sur le caractère « révolutionnaire » de ce programme. « Nous tentons d’impliquer l’ensemble des acteurs dans une synergie territoriale autour d’un développement local durable, inclusif et participatif. L’objectif étant de valoriser la spécificité de chaque territoire. Ainsi, nous aidons les élus, les fonctionnaires et les bénéficiaires à faire du marketing territorial. C’est ce qui fait de PADSEL NOA un programme révolutionnaire», assure Saïd Benmerad. Selon lui, l’Etat est le premier gagnant dans cette dynamique qui se met en place. «Les pouvoirs publics, qui agissaient jusque là en distributeur de la rente, vont constater que leur mise rapporte des richesses, crée de l’emploi et assure une nette amélioration de la qualité de vie des populations », ajoute-t-il.
Dupliquer l’expérience
A ce stade, les résultats obtenus par le PADSEL NOA sont très encourageants, malgré quelques aléas subis. Réda Allal, chef d’équipe de l’Assistance d’appui local et expert en développement des micros, moyennes et petites entreprises et d’activités génératrices de revenus, considère que le challenge a été relevé par tous les acteurs engagés dans le programme. « A ce jour et malgré un certain retard indépendant de notre volonté, nous avons pu former plus de 500 personnes en termes d’activités génératrices de revenus, dont 40% de femmes. Nous travaillons également sur l’accompagnement des animateurs et des formateurs en vue de démultiplier et d’essaimer toutes les activités que nous avons lancées », précise-t-il. Pour cet expert, il est nécessaire que le PADSEL NOA bénéficie d’une prolongation d’une année afin de permettre d’atteindre tous les objectifs.
Dr Samir Boukhalfa, directeur opérationnel du Programme PADSEL NOA, partage cet avis : « Nous avons réalisé de très belles choses jusqu’ici. Une année de plus nous permettrait de rattraper le retard dû aux mesures restrictives durant la pandémie et atteindre pleinement nos objectifs » Il affirme que le programme a créé une véritable dynamique entre les acteurs des 6 wilayas cibles. « Aujourd’hui, nous constatons une prise de conscience des acteurs institutionnels et des bénéficiaires car ce sont les actes concrets qui priment. Les représentants des secteurs publics ont également réalisé qu’il était possible d’assurer l’autonomisation des populations à travers une synergie des efforts ». A moyen terme, l’expérience et les acquis de cette phase de PADSEL NOA devront être dupliqués dans d’autres wilayas et ainsi pérenniser son succès.