Taghreed : du chaos de la guerre à l’émancipation

Mai 14, 2024
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Ayant fui sa maison en 2013, la Syrienne Taghreed Al-Issa a dû faire face, en tant que chef de famille, à de nombreuses difficultés qui ont été aggravées par le diagnostic de cancer de sa fille. Un programme de formation à la couture proposé au Centre Muwagar Oasis et soutenu par le Fonds fiduciaire régional de l’UE en réponse à la crise syrienne (Fonds Madad) et ONU Femmes a changé sa vie. Forte de ses nouvelles compétences en couture, Taghreed est devenue couturière indépendante, a gagné en autonomie et fait désormais partie d’une communauté de femmes solidaires. 

Des effets de la guerre à un nouveau départ

Taghreed, une réfugiée syrienne de 43 ans, s’est retrouvée à assumer le rôle difficile de chef de famille en 2013 lorsqu’elle a fui la Syrie déchirée par la guerre avec sa famille pour se réfugier en Jordanie. La décision de quitter le pays n’a pas été facile à prendre. L’élément déclencheur a été une nuit d’angoisse au cours de laquelle son quartier a été bombardé et son mari grièvement blessé. Les membres de la famille ont été séparés pendant près de six mois et ne savaient pas ce qu’ils allaient devenir jusqu’à leurs heureuses retrouvailles en Jordanie.

« À 4 h 00 du matin, nous avons été attaqués. Ils ont bombardé les voitures garées devant notre maison. Je regardais mon mari quand il a été projeté en l’air avant d’atterrir au sol. À la levée du jour, mon oncle nous a recommandé de nous rendre au poste-frontière jordanien. Pendant plusieurs mois, je n’ai eu aucun contact avec mon mari. Ce n’est que six mois plus tard qu’il a réussi à nous rejoindre en Jordanie », raconte Taghreed.

La vie de réfugié a apporté son lot de difficultés. Au départ, la famille vivait sous une tente. En tant que femme seule avec huit enfants, Taghreed s’est heurtée au rejet lorsqu’elle a demandé de l’aide et a dû faire face aux épreuves. Sa détermination a néanmoins pris le dessus et elle a réussi à surmonter l’adversité.

« Une nuit, notre tente s’est écroulée et nous sommes restés sans abri jusqu’au petit matin. Je suis restée cramponnée à mes enfants pour les garder au chaud dans le froid. Heureusement, nous avons réussi à nous en sortir », poursuit Taghreed.

Les difficultés se sont intensifiées lorsque Taghreed a appris que l’une de ses filles était atteinte d’un cancer pour lequel il n’existait pas de traitement en Jordanie. Malgré ces circonstances accablantes, Taghreed a su rester solide comme un roc, assumant la responsabilité de s’occuper de sa famille pendant que son mari invalide se remettait de ses blessures physiques et émotionnelles dues à la guerre.

Une formation à la couture : la vie changée à chaque point

La vie de Taghreed a pris un tournant positif lorsqu’elle s’est inscrite à un programme de formation à la couture au Centre Muwagar Oasis, en Jordanie. Ce programme lui a permis d’acquérir des compétences en couture et en confection afin de créer des articles simples tels que des bandeaux pour les cheveux ou des vêtements plus complexes tels que des uniformes scolaires.

« Nous avons d’abord appris à réaliser des bandeaux pour les cheveux et des sous-verre. Ensuite, nous avons pu coudre des uniformes scolaires et des vêtements plus compliqués », explique Taghreed.

Grâce à ses nouvelles compétences, Taghreed est passée du statut de stagiaire à celui de couturière indépendante. Elle a commencé à coudre chez elle en modifiant des vêtements, en essayant de confectionner de nouveaux modèles et en proposant ses services à sa communauté. Elle a ensuite revu ses ambitions à la hausse, souhaitant se spécialiser dans la confection d’articles en particulier comme les uniformes scolaires. Les effets positifs de la formation suivie par Taghreed ne se sont pas limités à sa vie professionnelle, mais se sont fait sentir dans sa vie personnelle également.

« J’ai toujours rêvé de devenir couturière et, par chance, ce rêve est devenu réalité. Malgré les problèmes auxquels j’ai été confrontée, ces derniers mois ont été une bénédiction et Dieu a compensé toutes les difficultés que j’ai traversées. »

Cette initiative soutenue par le Fonds fiduciaire régional de l’UE en réponse à la crise syrienne (Fonds Madad) et mise en œuvre par ONU Femmes vise à renforcer l’autonomie de femmes vulnérables comme Taghreed.

Madad : émanciper des femmes grâce au projet « Résilience et autonomisation des femmes vulnérables »

La formation dont a bénéficié Taghreed faisait partie du projet « Résilience et autonomisation des femmes vulnérables : l’avenir de la croissance et de la stabilité de la Jordanie ». Mis en œuvre par ONU Femmes, ce projet vise à renforcer la résilience des femmes touchées par la crise syrienne, notamment celles qui ont trouvé refuge en Jordanie, à l’instar de Taghreed.

En améliorant l’accès aux possibilités de redressement et aux moyens de subsistance et en offrant des services de protection complets, le programme vise à renforcer l’autonomie des femmes sur plusieurs fronts. En particulier, le projet a mobilisé les hommes en tant que partenaires et défenseurs de l’autonomisation des femmes, y compris de leur participation au marché du travail.

Cette approche a permis de créer un environnement favorable aux femmes réfugiées et de promouvoir leur participation au marché du travail, leur émancipation économique et l’autonomie des familles. La participation de Taghreed aux activités de formation professionnelle du programme témoigne de l’incidence de ce dernier sur les réfugiées syriennes, notamment celles qui vivent dans des camps.

Au cours de la deuxième phase (2021-2023) du programme, le modèle du Centre Muwagar Oasis a été élargi, contribuant ainsi à la stabilité, à la croissance économique inclusive et au développement durable de la Jordanie. L’initiative visait à aider les femmes à entrer sur le marché du travail et, plus important encore, à y rester afin de garantir une activité économique durable.

L’Union européenne a financé ce projet par l’intermédiaire du Fonds fiduciaire régional en réponse à la crise syrienne (Fonds Madad). Ce fonds, qui joue un rôle moteur dans la réaction de la communauté internationale face à la crise syrienne, répond à des besoins essentiels en apportant un soutien à des millions de réfugiés syriens et aux communautés qui les accueillent. L’incidence de ce financement ressort clairement dans les histoires de résilience et d’autonomisation, comme celle de Taghreed, ouvrant une voie vers la stabilité et la croissance pour les femmes vulnérables en Jordanie.

Au-delà des compétences : bâtir une communauté et construire des avenirs 

La formation a non seulement permis à Taghreed d’acquérir de précieuses compétences, mais elle a également favorisé l’émergence d’un sentiment d’appartenance à une communauté et d’un lien d’amitié entre les participantes. Elles sont devenues comme des sœurs et se sont entraidées, non seulement pour relever les défis de leur activité professionnelle, mais également pour faire face aux difficultés que la vie a mises devant elles. Le centre Muwagar Oasis est devenu un sanctuaire où Taghreed a non seulement perfectionné ses compétences en couture, mais s’est également forgée un cercle d’amies solidaires.

« Par exemple, si l’une d’entre nous n’arrive pas à enfiler une aiguille ou a cassé son aiguille, nous l’aidons. Nous sommes comme des sœurs qui sont toujours là les unes pour les autres. Si mon mari est malade, elles viennent nous rendre visite. Un jour, j’ai dû emmener ma fille à l’hôpital et elles nous ont accompagnées. Notre lien est incroyablement fort. Cet endroit compte beaucoup pour moi », souligne Taghreed.

L’optimisme et l’ambition de Taghreed pour l’avenir sont palpables. Elle a un emploi du temps chargé et doit parfois refuser du travail parce que les demandes sont trop nombreuses. Les réseaux sociaux, surtout la page Facebook gérée par l’une de ses filles, lui servent maintenant de plateformes pour présenter son travail et attirer des clients. Dans les conseils qu’elle donne aux autres femmes, Taghreed souligne la stabilité financière que peut apporter l’apprentissage de la couture et les encourage à suivre ses traces pour s’émanciper et subvenir aux besoins de leur foyer.

« Je conseille à toutes les femmes qui n’ont aucun diplôme d’apprendre la couture. Ce métier ne leur permettra peut-être pas de devenir riches, mais il peut leur apporter une stabilité financière et les aider à subvenir aux besoins de leur foyer et de leurs enfants. »

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