Inès et Sawsan ont mis au point une méthode innovante pour transformer les déchets plastiques en lunettes modernes, écoresponsables et accessibles à tous. Avec le soutien de Minassa Lab, un incubateur numérique pour la scène culturelle et créative tunisienne, elles se préparent à lancer leur boutique en ligne dans les prochains mois.

Comme beaucoup d’enfants de sa génération, Inès Mesfar a pris l’habitude de collecter les bouchons de bouteilles en plastique dès son plus jeune âge. Pratique de recyclage courante dans les années 2000, cette collecte était annoncée comme un « moyen facile » de contribuer à la préservation de l’environnement.

« Pour moi, c’est devenu une habitude : partout où j’allais, je ramassais ces bouchons, qu’il s’agisse de bouteilles de shampooing, de produits de nettoyage ou de bouteilles d’eau », se souvient la jeune femme de 22 ans, ajoutant « mais, pour être honnête, je ne savais pas du tout quoi en faire… »

À côté d’elle, sa camarade étudiante en architecture et partenaire commerciale, Sawsan Jlezi, acquiesce : « Nous avions très envie de faire quelque chose de bien pour l’environnement, qui est une cause qui nous a toujours tenu à cœur, mais nous ne savions pas trop quoi ni même comment nous lancer. »

Tout ce qu’elles savaient, c’est qu’elles souhaitaient s’engager dans le domaine de l’environnement et que cela « devait être artistique ».

Minassa Lab : une opportunité unique

Un jour, en se rendant en cours, les deux amies sont tombées sur une affiche faisant la publicité de l’incubateur Minassa Lab, qui se décrivait comme « le laboratoire numérique de la scène culturelle et créative ».

« Cela semblait parfait pour nous ! Nous avons donc tout préparé dans l’urgence et déposé notre dossier à la toute dernière minute », se souvient Inès, qui précise que « à ce stade, ce n’était vraiment qu’une vague idée abstraite. »

« En fait, j’avais perdu mes lunettes un jour, et je n’avais pas d’argent pour en acheter une nouvelle paire. En même temps, j’avais chez moi tous ces bouchons de bouteilles que je comptais utiliser pour un projet artistique. Puis, l’idée m’a frappée : pourquoi ne pas combiner les deux pour développer un projet qui pourrait être soutenu par Minassa Lab ! »

Quelques semaines plus tard, le duo a reçu la bonne nouvelle : elles avaient été sélectionnées parmi 100 autres projets et pouvaient donc commencer à participer au programme de soutien financé par l’UE.

Selon ses organisateurs, le Minassa Lab apporte un soutien technique et financier aux étudiants et aux jeunes diplômés des domaines créatifs dans le développement de leurs projets d’entreprise créative numérique. À terme, le programme vise à accélérer la numérisation de l’économie culturelle et créative et à sensibiliser à l’entrepreneuriat les jeunes des secteurs créatifs.

« Cela a vraiment été une opportunité unique, car ils nous ont aidés à chaque étape du processus de création de l’entreprise : de la réflexion à la rédaction d’un plan d’affaires, en passant même par des cours de renforcement des compétences en prise de parole en public », explique Sawsan.

Un processus de création innovant et non polluant  

Mais la première phase de sélection était loin d’être la dernière étape de leur parcours : les deux étudiantes devaient maintenant transformer leur idée en réalité.

« Nous avons fait énormément de recherches et nous avons découvert que ce plastique de type 2 — le plus courant dans la vie de tous les jours — avait le potentiel d’être chauffé sans émettre (ou très peu) de fumée et de gaz toxiques », explique Inès.

« C’était exactement ce que nous voulions : recycler sans polluer notre environnement. Nous voulions passer par un processus de création non polluant », poursuit-elle.

Grâce à un certain nombre de filtres, de calculs mathématiques et de tutorats, Inès et Sawsan ont réussi à mettre au point une formule spécifique pour chauffer le plastique jusqu’à ce qu’il devienne malléable « sans qu’il brûle au point d’émettre des gaz toxiques ».

Elles ont ensuite dû traduire leurs découvertes en un plan d’affaires, réaliser une étude de marché et prospecter de futurs partenaires. « Nous ne créons que les montures des lunettes, pas les verres, il nous fallait donc trouver des partenaires fiables et professionnels pour commercialiser notre produit. Et ce domaine peut être très concurrentiel ! » racontent les deux amies.

Au cours des six derniers mois, elles ont suivi plusieurs formations, participé à des « bootcamps » et à des séances de mise en réseau avec Minassa Lab, qui les ont amenées aux dernières étapes de leur plan d’affaires.

Les deux jeunes filles sont désormais prêtes à lancer Ayyure (ou « lune » en amazigh), une plateforme de commerce électronique qui propose des lunettes accessibles et écologiques tout en promouvant le recyclage du plastique auprès de la population tunisienne.

Innov’i-EU4Innovation contribue au développement économique durable et inclusif de la Tunisie en renforçant, structurant et pérennisant l’écosystème de l’innovation et de l’entrepreneuriat en Tunisie. Cofinancé par l’Union européenne et mis en œuvre par Expertise France, le projet est doté de 14,5 millions d’euros pour une durée de 60 mois (2019-2024). Il couvre 21 des 24 gouvernorats de la Tunisie.

Le projet Manissa Lab, mis en œuvre par Inco Tunisia et soutenu par Innov’i pour une période de 18 mois, vise à soutenir l’émergence de nouvelles start-up numériques innovantes évoluant dans le secteur des industries culturelles et créatives dans toute la Tunisie.

Il entend apporter un soutien technique et financier aux étudiants et aux jeunes diplômés des domaines créatifs dans le développement de leurs projets d’entreprise créative numérique. Le projet s’articule autour de trois objectifs spécifiques, à savoir : sensibiliser les étudiants et les jeunes diplômés aux enjeux de l’entrepreneuriat créatif et culturel ; accompagner 100 étudiants ou jeunes diplômés dans le développement de leur projet d’entreprise créative et culturelle basé sur le numérique ; financer et accompagner 15 start-up.