Ce document vise à retracer et expliquer les trajectoires divergentes et non-linéaires des politiques étrangères des trois principaux pays maghrébins à l’égard de l’UE depuis les révolutions arabes de 2011. L’analyse revient sur le déclin prétendu de l’ordre libéral occidental, y compris l’influence de l’UE sur son voisinage. Le changement et la continuité dans les politiques européennes post-2011 de la Tunisie, du Maroc et de l’Algérie sont examinées en comparant des perspectives théoriques diverses et des facteurs explicatifs, tels que la dépendance et l’interdépendance économique ; le transfert du pouvoir mondial ; la sécurité nationale, la territorialité et la souveraineté ; les identités nationales et le rôle de la politique étrangère.
Les résultats montrent que (l’inter)dépendance économique de ces états avec l’UE représente essentiellement le moteur de la continuité. Leurs structures commerciales n’ont pas changé de façon significative, même si la présence non-occidentale – principalement celle des pays du Golfe – a tendance à prendre de l’ampleur en termes d’investissements directs étrangers.
Les moteurs du changement qui expliquent les revirements bilatéraux spécifiques sont pour la plupart des choix rationnels face aux défis perçus de la sécurité nationale, la territorialité et la souveraineté, ainsi que des tensions liées à l’identité résultant de conflits de rôle en matière de politique étrangère. Dans de tels cas, le déclin prétendu de l’ordre libéral international peut multiplier les opportunités de « dé-européanisation » normative potentielle, ou « dé-européanisation à travers le discours ».