Aucun technicien ne doit rester à la maison

Avril 23, 2018
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Le projet cofinancé par l’UE et la fondation suisse Drosos et mis en place par l’IECD – Institut européen de coopération et de développement – vise à aider les élèves des écoles techniques au Liban à trouver un travail adéquat à leur specialization.

Il est 17 heures. Carol Ojeil s’apprête à quitter son lieu de travail. Elle bosse depuis plusieurs mois déjà chez « Wood and Gas », une entreprise libanaise spécialisée dans la fabrication de cheminées. « Je suis très contente ici. D’autant plus que le travail est stimulant, et approprié à ma formation », affirme la jeune fille qui a un Baccalauréat technique en architecture d’intérieur.

« J’ai été contacté par le responsable du bureau d’orientation à l’école technique de Dekweneh, Georges  Makdessi, qui m’a proposé un emploi dans cette compagnie. Je n’avais pas de CV chez eux. Mais j’ai été la 2e de ma promotion, ce qui m’a donc aidé à trouver rapidement un premier emploi dans une galerie.  Quand on m’a proposé ce nouveau poste, qui colle mieux à ma formation, et également dans une entreprise connue, j’ai immédiatement saisi l’opportunité », ajoute-t-elle. Carol est la 2e personne employée chez « Wood and Gas » à travers ce bureau.

Son frère, qui a fait des études d’architecture dans le même établissement, espère trouver rapidement un emploi grâce à ce bureau. Lui par contre, a présenté son CV, et attend d’être contacté.

Le bureau est une vraie aubaine pour les élèves diplômés d’une école technique. Il facilite énormément le contact entre les entreprises qui cherchent de bons éléments et des diplômés qui cherchent un travail conforme à leur spécialisation.

L’histoire a commencé en 2012 quand l’IECD, grâce au financement de la fondation suisse Drosos, a décidé de monter un projet pilote de Bureaux d’Orientation et d’Emploi (BOE) dans 5 écoles techniques privées. L’European Training Foundation, à travers son projet  « Governance for employability in the mediterranean – GEMM » dont l’objectif est d’améliorer l’employabilité des jeunes dans les pays de la méditerranée, a choisi de soutenir le projet pilote de l’IECD, en promouvant l’ouverture de bureau d’orientation et d’emploi au sein de 6 écoles techniques publiques, un projet cofinancé par l’UE. En particulier, les écoles publiques de Dekweneh, Hammana, Choueifat, Bint Jbeil, Tripoli et Zgharta proposent ce service à leurs élèves.

« Le but est d’aider les élèves des écoles techniques dès leur inscription à bien choisir leur filière. Puis pendant leur cursus scolaire, de les orienter et les préparer pour trouver un emploi, à travers plusieurs activités. Pour ce faire, le responsable du bureau d’orientation usera de son réseau pour leur trouver un travail quand ils auront leur diplôme de fin d’étude », explique Zeina Sfeir, chef du projet à l’IECD.

Les bureaux organisent une quinzaine d’activités réparties en trois catégories. La 1ere concerne la sensibilisation des jeunes dans les écoles académiques et également des parents à l’enseignement technique et à la forte demande du marché de travail pour les métiers techniques.

« En effet, quand à 18 ans un élève aura son diplôme de Baccalauréat technique, il pourra facilement trouver un travail avec un salaire décent qui lui permettra de subvenir à ses besoins et à devenir indépendant financièrement », précise-t-elle.

« Le vrai défi que l’on a, est avec les parents, afin de modifier la mentalité et les préjugés existants, notamment l’idée que les élèves qui se dirigent vers les écoles techniques sont des ratés, des bons à rien », se désole Zeina Sfeir.

La 2e catégorie cible l’accompagnement et l’orientation : s’assurer que l’élève choisi la bonne filière par rapport à ses intérêts et compétences mais aussi en fonction des perspectives d’emploi, lui apprendre à faire une recherche de travail, à rédiger un CV, à préparer un entretien d’embauche, à visiter les entreprises, etc.

La 3e catégorie couvre les activités de placement et de stage : créer et développer un réseau avec les entreprises permettant de placer les élèves et les diplômés, mais aussi garder un contact et un suivi des anciens élèves – “alumni” – pour renforcer le lien école-entreprise.

Beaucoup de résultats prometteurs

« Les bureaux d’orientation et d’emploi ont connu beaucoup de « success stories ». Des élèves ont pu trouver un emploi, soit directement à travers le bureau, soit indirectement à travers les activités organisées par les bureaux et qui ont facilité leur accès aux entreprises », ajoute Zeina Sfeir. Selon elle, le marché du travail est friand de techniciens. Pour chaque ingénieur, les entreprises demandent dix techniciens.

Le projet a permis parallèlement la création de nouveaux postes de responsable de bureaux d’orientation et d’emploi.

C’est le cas de Georges Makdessi. Il est responsable du bureau de l’école des arts et métiers de Dekweneh. Fondée en 1905, elle est l’une des plus anciennes écoles techniques au Liban. Elle a la spécificité de se trouver près d’une zone industrielle, au nord de Beyrouth, mais aussi à la porte du Mont-Liban.

Après une formation intensive, M. Makdessi qui enseignait l’électricité pendant 12 ans, a pris en charge le bureau d’orientation qui venait d’être créé, par décret du ministre de l’Education de l’époque, Elias Bou Saab.

Il faut dire dans ce contexte que l’UE a pesé de tout son poids en soutenant GEMM sur le terrain, pour convaincre l’Etat libanais d’adhérer au projet.

 « J’ai pris contact avec près de 110 entreprises renommées, qui ont recruté à travers notre bureau », précise-t-il.

Selon lui, « aucun technicien ne doit rester à la maison, parce que le marché du travail est en manque de techniciens qualifiés ». En une année, le bureau a réussi à faire embaucher près de 40 personnes, un chiffre important dans un pays en crise.

« A travers nos statistiques sur le besoin du marché, nous recommandons tel ou tel diplôme recherché par les entreprises en orientant les élèves. C’est le cas ici à Dekweneh concernant les études d’ingénierie industrielle. Il y a quelques années, seulement trois élèves obtenaient leur diplôme. Aujourd’hui, ils sont une vingtaine », explique M. Makdessi. 

Quoi de plus satisfaisant pour l’UE qui est désireuse de donner l’opportunité aux jeunes de travailler dans leur pays, afin d’avoir une vie décente et productive. Ce qui leur évitera en outre la tentation d’immigrer ou de tomber dans le piège du radicalisme ou des réseaux de délinquants.

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